Sorbonne à tout faire

Une bouffée d’oxygène », rien de moins.

C’est ainsi que l’opiniâtre Valérie Hayer, tête de liste macroniste sans liste, puisque celle-ci n’est pas encore constituée, qualifie l’intervention électorale européenne de Macron à la Sorbonne ce jeudi.

Au-delà de toute flagornerie, la mé­taphore est appropriée, tant la campagne de la majorité, à peine lancée, paraît déjà essoufflée.

Avec un retard de sa liste estimé entre 14 et 16 points sur celle de Bardella, qui fait la course en tête, et Glucksmann qui ne cesse de remonter, la campagne majoritaire a effectivement besoin d’un bol d’air. Et d’être aussi survitaminée, faute de quoi la liste Hayer risque de continuer à courir tout droit vers la troisième place plutôt que vers la première.

Macron va donc devoir trouver mieux que les auto-congratulations autour de son premier discours de la Sorbonne sur son projet européen du 26 septembre 2017, estampillé « historique » par ses soins.

Or c’est bien à cet auto-satisfecit appuyé que s’annonce en grande partie consacré le discours pour l’Europe version 2 de ce jeudi, pas loin de sept ans plus tard, dans le même format et dans les mêmes lieux.

Solennité et grand jeu, car, pour Macron, sauf si, pour cause de censure, une dissolution de sa part venait à provoquer des législatives anticipées, la campagne électorale pour ce scrutin européen de juin sera la dernière d’envergure de son second quinquennat. Et, en dépit ou à cause de la bérézina annoncée, il n’entend pas s’abstenir de faire reluire ce qu’il fait appeler par son ministre délégué à l’Europe « un bilan exceptionnel » en commémorant ses actions européennes passées, notamment celles durant la pandémie. Ce qui, compte tenu du contexte précité, risque, bien sûr, d’être diversement apprécié.

Certes, ce discours revisité comportera une partie plus prospective. Pour la bouffée d’oxygène, l’orateur n’a pas manqué de préciser, arguant de l’ancienneté que lui confèrent ses deux mandats consécutifs, de parler de ses projets européens en matière de défense d’abord, mais aussi d’énergie ou d’investissement.

Fort bien, sauf que s’affirmer en leader européen n’est pas la garantie de s’affirmer en vainqueur des élections européennes. Surtout en personnalisant une campagne qui pâtit déjà d’être ramenée à l’échelon national et à la politique intérieure par ses principaux opposants, qui s’emploient activement à transformer ce scrutin européen en une élection anti-Macron. Et ce d’autant que, à en croire d’autres mauvais sondages, aux dernières estimations, moins d’un électeur sur deux envisagerait d’aller voter.

Et, si ces élections ne passionnent pas les foules, on ne peut que constater aussi que, jusqu’ici, elles n’ont pas trop non plus suscité d’engouement dans les rangs du gouvernement. Il n’y a pas eu bousculade pour faire partie d’une liste à l’avenir incertain. Et, même sermonné, le Premier ministre, très occupé à devoir surjouer l’autoritaire dans les internats et à remettre les élèves turbulents ou décrocheurs sur la bonne voie, n’a pas trouvé encore le temps d’en faire autant avec les électeurs.

Il n’en a pas moins promis, ainsi que d’autres ministres, de plus s’impliquer pour sauver la soldate Hayer, qui, même avec le comité de soutien de l’ancien ministre Le Drian, endure aussi, quand elle sillonne la campagne ou les rues, d’être la soldate inconnue.

On comprend volontiers que, pour elle, la « bouffée d’oxygène » soit espérée, alors que dans les sondages le climat en Macronie pour la suite des festivités est plutôt à la bouffée de vache enragée.


Éditorial d’Erik Emptaz. Le Canard enchaîné. 24/04/2024


2 réflexions sur “Sorbonne à tout faire

  1. bernarddominik 30/04/2024 / 12h20

    Macron et Mme Hayer paient les échecs répétés et l’aventurisme de sa politique.

  2. tatchou92 30/04/2024 / 22h57

    « du rêve à la réalité » ou « de la coupe aux lèvres ».. il peut y avoir loin…

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