Un instant pour tout…

… mais pas la bonne réponse.

C’est la réponse américaine à ceux, nombreux, qui réclament un cessez-le-feu dans la riposte israélienne contre le Hamas, à Gaza. Elle est plus nuancée que celle, d’un genre définitif, donnée peu avant à la même sollicitation par Netanyahou, qui considère que « demander un cessez-le-feu est un appel à Israël à capituler face au Hamas, capituler face au terrorisme, capituler face à la barbarie » et que « cela n’arrivera pas ».

L’encore Premier ministre, lui, ne parle pas de « l’instant », mais il s’y accroche, tant sa position est précaire. D’abord parce qu’il n’a pas vu venir celui de la barbare et meurtrière entrée en guerre du Hamas et a tenté de se défausser de son impéritie sur les réseaux sociaux en l’attribuant aux seuls services de renseignement et de sécurité du pays, sans lui-même l’assumer.

Il a dû vite faire marche arrière et s’excuser platement. Ensuite parce qu’il lui est reproché de n’avoir pas non plus envisagé l’instant suivant autrement qu’en essayant de se cramponner à son poste menacé à la tête de son parti comme à celle du pays et par la justice aussi. Mais chaque chose en son temps.

Et « l’instant » présent, c’est le moins que l’on puisse constater, n’est pas au cessez-le-feu, mais, tout au contraire, à l’accroissement de l’intensité de la guerre.

Et donc à un accroissement corollaire de l’effroyable crise humanitaire à Gaza. Tous les habitants civils qui n’ont pu quitter la ville à temps parce que le Hamas les en a empêché, ou parce qu’ils ne le voulaient pas, manquent d’eau, de nourriture, d’électricité, de carburant, tout en étant à la merci de bombardements incessants, de convois de ravitaillement très insuffisants.

Et de « pauses humanitaires » qui, comme la moindre présence de la presse étrangère (lire ci-dessous), sont toujours inexistantes « pour l’instant ». Mais, dans le même temps, dans de nombreux pays qui appellent au « cessez-le-feu » ou dans d’autres, dont le nôtre, où beaucoup de manifestants le font, on ressent les relents d’un antisémitisme de plus en plus décomplexé.

Depuis le massacre perpétré le 7 octobre par le Hamas contre des civils israéliens, plus de 700 actes clairement antisémites ont été répertoriés en France. Des murs sont tagués, des photos des otages du Hamas sont arrachées ou lacérées, et la communauté juive de France fait part d’un sentiment d’insécurité chaque jour grandissant, alors que se multiplie également ailleurs, à Londres, à Berlin, sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la rue, ce genre d’agissements.

Le rejet de la riposte israélienne sert de plus en plus facilement de prétexte, d’autant plus délétère qu’il se pare de bonnes consciences humanitaires, à l’expression de cet antisémitisme des plus primaires. À l’aéroport de Makhatchkala, la capitale de la République russe du Daghestan, dont beaucoup ont appris le nom à cette occasion, on a même assisté à une terrifiante autant que délirante intrusion.

Aux cris de « Allahou akbar ! », une bande d’énervés a défoncé l’aérogare à la recherche de « passagers juifs » d’un vol en provenance de Tel-Aviv. Lesquels ont échappé de très peu à un pogrom. Là encore, les assaillants disaient réclamer un cessez-le-feu à Gaza.

Ce sera difficilement possible dans l’immédiat.

L’armée israélienne sur le terrain entend libérer des otages et surtout réduire le Hamas et le traquer jusque dans les tunnels qu’il a creusés.

L’administration Biden veut « un horizon politique pour Gaza », nul ne s’en plaindra, évidemment, mais, comme le bout des tunnels, il n’est malheureusement pas encore visible « pour l’instant ».


Erik Emptaz. Éditorial du Canard enchaîné du 1ᵉʳ novembre 2023


Une réflexion sur “Un instant pour tout…

  1. Pat 04/11/2023 / 19h53

    500 Kms de galeries et des armes autant que voilà…Comment penser que les Israéliens ne savaient pas à quoi elles allaient servir ? Gaza est une épine dans le pied des Israéliens depuis si longtemps que le pied s’est infecté et qu’il faut l’éliminer définitivement… La Palestine ne sera jamais un état reconnu par Israël. Ne rêvons pas.

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