Mais, pourquoi êtes-vous pauvres ?

La loi « pour le plein-emploi », actuellement discutée à l’Assemblée, repose sur deux piliers. Le premier est la création de France Travail, qui vise à, enfin, coordonner les acteurs de l’emploi. On est ici dans la lignée de la cuvée Macron 2017, celle qui voulait une protection sociale « universaliste », dans une logique qui s’adressait aux électeurs de centre gauche.

Le second pilier, c’est la réforme du RSA, le revenu de solidarité active. La majorité présidentielle et les députés Les Républicains ont voté un minimum de quinze heures d’activités obligatoires hebdomadaires pour tous les allocataires, sauf rares exceptions (parents isolés sans sôlution de garde; personnes en situation de handicap) (1) On est ici dans la lignée de la cuvée Macron 2022, celle qui cherche appui à droite. Car le RSA, c’est la fête : 607 euros pour une personne seule et 1 093 euros pour un couple avec un enfant, on se gave chez les pauvres !

Logique donc de leur demander des contreparties, puisque ce ne sont pas de vulgaires milliardaires ou des compagnies pétrolières. Bien sûr, il s’agira d’heures d’« activité», et non pas de travail stricto sensu, ce qui permet de mettre dedans à peu près n’importe quoi. Et heureusement, car comme il y a près de 2 millions d’allocataires au RSA, il faudrait, sinon, leur trouver 30 millions d’heures de travail par semaine, bon courage à toi Olivier Dussopt, à l’origine de cette dégueulasserie ! Si un allocataire ne signe pas de « contrat d’engagement réciproque », ou ne fait pas ce qui lui est demandé, le conseil départemental (ou France Travail) pourra suspendre le versement de son RSA.

La question est alors : les sanctions, ça marche ?

La réponse nous est fournie par une étude de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf)(2). Tout comme lors de la réforme des retraites, le camarade Dussopt était bien en peine de sortir la moindre étude démontrant la pertinence de ses propositions. Et donc, c’est à la demande expresse de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) – vive le Parlement ! – que la Cnaf a été forcée de produire une étude.

Résultat : lorsque des personnes se voient retirer leur RSA, par exemple parce qu’elles ont omis de déclarer leurs ressources, elles sortent du RSA, mais ne trouvent pas du travail pour autant.

Bref, elles plongent toujours plus profondément dans la mouise. De même, Claire Hédon, la défenseure des droits, note que l’approche du gouvernement « tend à laisser penser » que les allocataires du RSA « seraient les principaux responsables de leur éloignement du marché de l’emploi en raison d’un manque de motivation(3) ».

Pour elle, l’accent mis sur la conclusion du contrat d’engagements réciproques « est de nature à renforcer le caractère stigmatisant de cette approche ». Elle demande donc que l’accompagnement vers l’emploi des personnes qui en sont éloignées soit « un véritable droit au bénéfice de ces derniers, opposable à l’État, qui a l’obligation de tout mettre en oeuvre pour faciliter leur insertion professionnelle ».

Bref, loin de la République sans âme, sans amour et, je le crains fort, sans avenir que nous proposent Olivier Dussopt, la majorité présidentielle et la droite, quelques âmes luttent encore et toujours pour la dignité des plus malchanceuses et malchanceux d’entre nous.

Mais qui les écoute?


GIlles Raveaud. Charlie Hebdo. 11/11/2023


  1. « Le gouvernement et les députés LR s’entendent sur la réforme du RSA », par Isabelle Ficek (Les Échos, 28 septembre 2023).
  2. « Éléments statistiques exploratoires sur les sanctions à destination des allocataires du RSA en réponse à une demande de la MECSS de l’Assemblée nationale », par la Direction des statistiques, des études et de la recherche de la Cnaf (25 septembre 2023). Je remercie le député PS Arthur Delaporte de m’avoir transmis cette note.
  3. Avis du défenseur des droits au Sénat sur le projet de loi « pour le plein emploi » (18 juillet 2023).

3 réflexions sur “Mais, pourquoi êtes-vous pauvres ?

  1. christinenovalarue 15/10/2023 / 8h01

    Mieux vaut être riche, beau et intelligent que pauvre, laid, con… et démotivé

  2. Bernard 15/10/2023 / 9h52

    Dans un pays où on accueille chaque année 300 000 immigrés pour faire un travail que les Français refusent alors qu’entre les chômeurs et le RSA il y a 4 à 5 millions de personnes en âge et santé de travailler et qui sont inactifs, il y a de quoi se poser des questions.
    Certes le RSA ne permet pas de vivre, mais si vous rajoutez toutes les autres aides, on n’est pas loin du SMIC. Avec toutes les aides une famille avec trois enfants reçoit 1 800€ mensuels nets, HLM payé par l’APL. Ce n’est pas Byzance, mais ça permet de vivre.

  3. Anne-Marie 15/10/2023 / 19h23

    Haro sur les pauvres profiteurs.
    « Ceux qui qualifient les chômeurs et les handicapés de parasites ne comprennent rien à l’économie et au capitalisme. Un parasites passe inaperçu et exploite son hôte à son insu. Ce qui est la définition de la classe dirigeante dans une société capitaliste. » (Jason Read)

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