Mésentente entre alliés de l’Ukraine

La réunion à Ramstein, le 20 janvier 2023, de la quarantaine d’États qui arment l’Ukraine n’a pas transformé (loin de là) cette guerre menée à distance contre Vladimir Poutine.

Entre alliés, le ton s’est durci. Soupçonnés de se montrer toujours modérés, voire complaisants, dès qu’il s’agit des relations avec la Russie, les Allemands sont en ligne de mire. Et, si les Etats-Unis ne sont pas directement visés lors de ces échanges acerbes, ce n’est qu’un faux-semblant. Chacun a trop besoin du soutien militaire de la Grande Amérique pour ne pas la ménager.

Nouveau char russe annoncé depuis Londres

Principal exemple de ces propos plutôt rudes : intervenant en visio-conférence au Forum de Davos, le président Zelensky a appelé les Occidentaux à « cesser de trembler devant Poutine » (cequi est peu aimable) et leur a reproché de lui fournir trop peu d’armes, et toujours en retard. Comme en écho, son conseiller Mykhaïlo Podoliak a dénoncé « cette indécision qui tue ».

Tout aussi violent, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, approuvé par ses homologues des Etats baltes, de Roumanie et de République tchèque, a qualifié d’« inacceptable » l’attitude de l’Allemagne, qui, à Ramstein, refusait toujours de livrer aux Ukrainiens ses puissants chars Leopard 2, et même d’autoriser ses clients européens à offrir ou à revendre certains de ces blindés allemands qui équipent leurs armées.

Puis le dirigeant polonais a fait cet audacieux pari : « L’Europe gagnera la guerre en Ukraine, avec ou sans l’Allemagne ». Volodymyr Zelensky avait chiffré à « 300 chars » ses besoins en 2023, laissant entendre qu’il lui en faudrait sans doute le double l’année suivante.

Il voulait des « Abrams » américains. « Trop compliqué à utiliser et à entretenir », ont fait savoir, en substance, les experts du Pentagone : « Il faut à ce char une équipe d’ingénieurs ainsi que de mécaniciens spécialement formés. Et, comme il est très lourd, son moteur consomme énormément de carburant. »

Même refus à Berlin (pour le Leopard), où la coalition au pouvoir est fort composite. Elle compte des pacifistes, des inquiets (l’Allemagne n’est pas loin du front), des prudents, des modérément pro-Russes, voire d’anciens élus membres d’un groupe d’amitié germano-russe dissous en avril 2022, soit quatre mois après l’invasion de l’Ukraine.

Enfin, lorsqu’il a reçu à Paris le chancelier allemand, le 22 janvier, une question a été posée à Emmanuel Macron sur une éventuelle arrivée de chars Leclerc en Ukraine. Réponse trop brève : « Rien n’est exclu ».

Difficile de le croire sur parole : les militaires français ne disposent plus que de 226 Leclerc, parmi lesquels 200 sont en cours de rénovation d’ici à 2030, et ils veulent les conserver dans l’hypothèse d’un futur conflit.

Conclusion : Kiev ne peut actuellement compter que sur une livraison, dans quelques mois, de 14 chars britanniques Challenger. Rien qui puisse changer le sort des armes.

En revanche, selon les services britanniques de renseignement, le puissant char russe T-14 Armata, entré en service après 2010, va sans doute bientôt paraître sur le champ de bataille. Mais seulement à une vingtaine d’exemplaires, car, à en croire les espions de Sa Majesté, les Russes n’en possèdent pas beaucoup.

A Ramstein, malgré l’incapacité des présents à répondre aux espoirs blindés des Ukrainiens, un expert affirme que cette réunion représente un progrès.

L’assistance militaire promise à Kiev se révèle désormais cohérente et « moins en ordre dispersé ».

Exemple des livraisons futures : de nouveaux canons (19 Caesar français auxquels les Danois vont renoncer, des batteries estoniennes et suédoises), divers blindés de transport de troupes, des batteries antiaériennes, etc.

Leopard pour le front

Enfin, une initiative est passée plutôt inaperçue : il est prévu de former en Pologne, avec la collaboration de l’Otan, une ou peut-être plusieurs brigades mécanisées, lesquelles conduiront chacune au combat 3 000 hommes dans des véhicules blindés, voire accompagnés par des AMX 10 RC français armés d’un canon de 105.

De même, toujours avec l’assistance de l’Otan, sont actuellement formés les ingénieurs, les techniciens et les mécaniciens dont l’Ukraine aura besoin lorsque son armée pourra s’équiper de chars lourds. C’est donc reconnaître (et les Américains sont les premiers à le faire) que cette guerre risque de durer fort longtemps.

Mardi 24 janvier au matin, quelques heures avant l’impression du « Canard », le Premier ministre polonais se disait toujours décidé à livrer un « peloton » de 14 Leopard 2 aux Ukrainiens, avec ou sans l’aval de Berlin. Mieux, il incitait la Suède, la Finlande et le Danemark à en faire autant. Mais on est toujours loin des 300 chars revendiqués par Zelensky. Quant au chancelier Scholz, il restait encore de marbre, insensible aux diverses pressions exercées sur lui. Celles des écologistes membres de son gouvernement, et celles de certains de ses alliés européens.


Claude Angeli. Le Canard enchaîné. 25/01/2023


Précision. Bien évidemment, il n’existe pas d’informations réelles, juste des effets d’annonces, venant de la Russie ou du commandement de l’OTAN comme des USA, toutes imprécises. Raison pour laquelle concernant l’armement mis à disposition par les différentes forces, il faut être extrêmement prudent dans les annonces. MC


Selon diverses sources

Les Etats-Unis vont livrer 31 chars Abrams à l’Ukraine, a annoncé le président états-unien, mercredi 25 janvier.

La livraison de chars à l’Ukraine n’est pas une « menace offensive contre la Russie », a cependant voulu assuré le président des Etats-Unis d’Amérique, espérant éviter que la Russie se fâche réellement et passe, du coup, aux « choses sérieuses ».

Feu vert allemand pour la livraison de chars Leopard.

L’Allemagne va livrer à l’Ukraine 14 chars Leopard 2A6, provenant des stocks de la Bundeswehr, et elle va autoriser les pays qui le souhaitent à fournir à Kiev les blindés qu’ils détiennent.

Jusqu’ici, seul le Royaume-Uni a déjà annoncé la livraison à l’Ukraine de 14 chars lourds, des Challenger 2.

Le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak, a salué « un premier pas » après la décision allemande. L’ambassadeur russe en Allemagne a, de son côté, dénoncé une décision « extrêmement dangereuse ».

L’armée ukrainienne a reconnu avoir cédé aux troupes russes la ville de Soledar


Une réflexion sur “Mésentente entre alliés de l’Ukraine

  1. bernarddominik 26/01/2023 / 18h11

    Zelensky n’a rien compris: le but des USA n’est pas que l’Ukraine gagne la guerre, ce serait risqué de pousser le russe dans ses derniers retranchements, le but, c’est d’affaiblir la Russie le plus possible en prolongeant la guerre, mais sans se mouiller, en ne sacrifiant que des Ukrainiens. Il ne faut pas se leurrer, les quelques chars envoyés ne permettront pas à l’Ukraine de gagner, mais de durer.

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