Georgie : soulevement contre le kremlin

À Tbilissi, depuis trois semaines, sur l’avenue Rustaveli, chaque nuit commence par des chants de L’Ode à la joie — l’hymne officiel de l’Union européenne — et se termine par des tirs de balles en caoutchouc, de gaz lacrymogènes et de canon à eau contre des manifestants agitant le drapeau de l’UE.

Les couleurs nationales ukrainiennes, brandies parfois par des Géorgiens, créent un air de déjà-vu. Serait-ce le Maïdan géorgien ? Ici, à nouveau, les rêves européens affrontent le « monde russe ».

Les manifestations de masse ont été déclenchées par une nouvelle législation sur la « transparence de l’influence étrangère », proposée par le parti au pouvoir, Rêve géorgien. Cependant, les manifestants ont qualifié le projet de « loi russe », estimant qu’il avait été, sinon rédigé par le Kremlin, du moins inspiré par lui.

De fait, cette loi est une copie de la loi de Pouline sur les « agents étrangers » et désigne comme « organisation exerçant une influence étrangère » tout média ou ONG dont le budget est financé à hauteur d’au moins 20 % par des sources extérieures. Cela comprend la majorité des ONG éducatives et culturelles en Géorgie, ainsi que les médias indépendants.

Le parti au pouvoir, marionnette du Kremlin (il a aidé la Russie à surmonter les sanctions de l’UE de diverses manières depuis l’invasion de l’Ukraine), a d’abord présenté la loi en mars 2023, mais l’a rapidement retirée, à la suite de protestations massives, en promettant de ne plus jamais proposer de projet de ce type.

Le chef du parti Rêve géorgien, le seul milliardaire du pays à figurer sur la liste de Forbes, Bidzina Ivanichvili, insiste désormais sur le fait que, cette fois-ci, la loi sera adoptée pour protéger la souveraineté de la Géorgie contre l’Occident — instigateur de la « guerre mondiale », selon ses termes.

Pour les Géorgiens, dont 80 % aspirent à l’adhésion à l’Union européenne, cette loi n’est pas seulement une répression à la russe de la société civile, visant à détruire toute opposition avant les prochaines élections législatives, en octobre.

Le fait d’oser présenter ce projet de loi pour la deuxième fois maintenant, ainsi que de propager des récits sur l’Occident maléfique montre que la politique étrangère de la Géorgie s’éloigne de l’UE et se rapproche de l’autoritarisme de Moscou. Et si les Géorgiens bloquent les rues principales de la capitale en criant « Toutes les routes seront bloquées sauf celle qui mène à l’Europe », c’est qu’ils savent que le pays, qui a reçu en décembre 2023 le statut tant attendu de candidat à l’adhésion à l’UE, se trouve aujourd’hui à un dangereux carrefour.

Ils comprennent que leur pays, dont 20 % du territoire est occupé par la Russie depuis 2008, est désormais la cible de Poutine, qui veut en faire son prochain front dans la guerre contre l’« Occident collectif ».

En observant comment une autre nation non européenne se bat vigoureusement pour l’Europe, les Occidentaux pourraient, au moins, enfin cesser de fantasmer sur les compromis avec Pouline, ou sur une opposition russe inexistante, et porter leur attention sur la seule force véritable contre la Russie autoritaire, qui se manifeste dans les batailles à l’ancienne, acharnées et pleines d’abnégation, menées pour la liberté au sein des ex-colonies de Moscou.


Inna Shevchenko. Charlie Hebdo. 08/05/2024


Une réflexion sur “Georgie : soulevement contre le kremlin

  1. bernarddominik 09/05/2024 / 16h31

    La Georgie n’a aucune frontière avec l’UE, lui faire croire qu’elle peut adhérer à l’UE est un mensonge. Elle a voté massivement contre la présidente pro européenne, nous faire croire qu’elle change si vite d’avis est absurde. Il faut arrêter de s’attaquer à l’ancien empire russe.

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