USA – Cour suprême

Bientôt la fin de l’État fédéral !

Il existe deux manières complémentaires d’aborder l’arrêt Dobbs vs Jackson Women’s Health Organization, rendu le 24 juin par la Cour suprême des États-Unis.

  1. La première consiste à tenir l’avortement pour un droit fondamental des femmes et à considérer que le juge américain doit revenir à la décision antérieure, rendue en 1973, qui assurait l’accès à l’IVG sur l’ensemble du territoire du pays.
  2. La seconde, tout en défendant ce droit qui vient d’être battu en brèche, à l’examiner à la lumière d’un débat plus large qui oppose des conservateurs privilégiant les droits des États fédérés à des libéraux pour qui l’État fédéral (nous dirions : central) est dans son rôle en édictant des lois imposables à tous.

Historiquement, le fameux arrêt de 1973, Roe vs Wade, a été adopté dans une période de renforcement du pouvoir fédéral, marqué notamment par la mise en application, quasi forcée en certains endroits, du Civil Rights Acts de 1968 et d’arrêts de la. Cour imposant la fin de la ségrégation raciale.

Toutefois, ce que le juge Samuel Alito, de la Cour suprême, écrit pour motiver son vote nous éclaire sur le débat de plus en plus acrimonieux qui empoisonne la vie publique américaine.

Selon lui, l’arrêt de 1973 avait « été l’étincelle déclenchant une controverse nationale qui a aigri notre culture politique depuis un demi-siècle ».

Représentatif de ces juges conservateurs et, c’est très important, catholiques, qui ont pris le contrôle de la Cour, il estime, en fait, que ce sont les libéraux qui ont fracturé l’Amérique, et que les conservateurs, en phase avec le « pays profond », viennent de la faire revenir à l’état antérieur à Roe vs Wade.

Factuellement, ce n’est pas loin d’être le cas.

La Cour suprême a rendu leurs droits aux États fédérés sur la question de l’IVG, mais aussi sur le droit à posséder des armes et sur le contrôle du droit des citoyens à voter.

Prochainement, la Cour doit rendre son verdict sur un sujet juridiquement complexe, la théorie de l’indépendance des législatures des États fédérés.

Pour faire simple, l’affaire Moore vs Harper, qui concerne la Caroline du Nord, donnerait aux deux assemblées des États le droit de redécouper les circonscriptions électorales, on s’en doute en prenant en compte la composition ethnique de celles-ci, qui détermine encore si une circonscription penche vers les démocrates ou les républicains. L’incidence sur la présidentielle de 2024 pourrait être très forte.

La décision récente sur l’IVG est donc plus qu’une affaire de droits fondamentaux : elle s’inscrit dans une tendance au néofédéralisme qui a présidé à la fondation même des États-Unis.

La Déclaration des droits (Bill of rights) de 1789 avait été rédigée dans un sens favorable au principe de subsidiarité et à l’autonomie des États. Ce qui s’est passé jusqu’à aujourd’hui, tant les amendements à la Constitution que la jurisprudence de la Cour et la pratique des administrations qui se sont succédé à Washington, apparaît à nombre de conservateurs comme une trahison du pacte fondateur.

C’est de cette tendance lourde que Donald Trump est l’incarnation politique. C’est cette tendance lourde qui a permis son élection. Et qui rend sa réélection crédible.


Jean-Yves Camus. Charlie hebdo. 20/07/2022


2 réflexions sur “USA – Cour suprême

  1. bernarddominik 23/07/2022 / 15h05

    C’est à double tranchant.

  2. jjbadeigtsorangefr 24/07/2022 / 11h48

    Trump est une caricature de ce que le système capitaliste génère, il rassemble sur lui toutes les turpitudes de ces crétins qui ne vivent que pour faire durer les inégalités, accroître les fortunes……Sa participation à l’assaut du Capitole devrait l’exclure de la société. On verra.

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