Tenir – Fin

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Tenir enfant, un héron mort, porté, dimanche interminable et pour des siècles, mais aujourd’hui le déposer dessus de nous, perché, là-haut ressusciter, vivant, debout.

Tenir les rênes d’une légèreté décidée, les mains posées, les jambes droites et les pensées devant de soi, devant cheval porteur, debout.

Tenir à boire la mer pour un record triste du monde, je pense au temps qu’il faut aux fleurs des orangers pour devenir des oranges, la pointe des pieds sur mes cailloux inconsolables, puis consolée, riant, debout.

Tenir la fatigue des soirs, entre des chiens et tous les loups, meute de plomb, la lune se lève, que tout s’arrête, s’il vous plaît s’allonger entière nuit abandonner ce qui debout.

Tenir compte des animaux disparaissant de la surface terrestre immense et de nos corps – mémoire s’éloigne des éléphants jusqu’à gommer bourdonnements du peuple abeilles, volant, debout.

Tenir ses phrases vivacité des poissons chats, comment garder de l’air assez dedans parmi rouleaux de mer, draps dépliés et nœuds, debout.

Tenir audience à ses fantômes, à leurs profondes protestations, leurs exigences de bandits, leurs demandes de rançon sans la police et sans fléchir, ne pas céder à leur instincts de cannibales, les mains devant pour protéger la position de soi debout.

Tenir monsieur, je vous en prie la route à droite, sans aller tuer plein phares, en face le père d’une toute petite famille, banquette arrière bébé, solide pas encore, pourtant debout.

Tenir le choc des accidents, quelques fractures sur la tête, en revenant à la maison, maman dormie pour des années, et le mois d’août épouvantable fantômes, têtu jusqu’au jour où un ange explique, vivant debout.

Tenir ta main plus que minutes dans des draps blancs, entre murs blancs, toi et tes noirs (peintures et chiens) je te fais rire, couleur, debout.

Tenir motus, bouche cousue pendant des siècles d’une vie et quelques drames pas évités, camion se renversant, debout.

Tenir des billes, des cailloux pour le plus grand trésor de vie à emmener, île déserte avec des cœurs décorés et les phrases, toutes les phrases, enfants, vieillards, encore debout.


Albanne Gelé. Recueil « Si je suis de ce monde ». Éd. Cheyne. 07320 Devesset


2 réflexions sur “Tenir – Fin

  1. Denis Morin 20/02/2023 / 04:05

    Tenir bon malgré tous les drames que cette vie nous déverse à la gueule. Merci de vos mots si justes. Bonne semaine.

    • Libres jugements 20/02/2023 / 11:08

      Bonjour Denis, merci pour ce commentaire
      Le phrasé-rythme de ce « poème-prose » est ardu, mais d’une grande qualité évocatrice dans son ensemble. Je doutais qu’il fût apprécié… ce n’est le cas à mon grand étonnement … Comme quoi, il ne faut jamais méjuger les blogueuses blogueurs.
      Amitiés
      Michel

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