Il murmurait à l’oreille de Manu…

De l’ex-ancien toujours conseiller en communication d’Emmanuel Macron, Clément Léonarduzzi se dit dans les milieux d’affaires qu’il est le consultant à la mode. Depuis son retour à la tête de Publicis Consultants en mai 2022, avenue des Champs Élysées, l’homme de confiance du chef de l’État a décroché — et aime le faire savoir — de beaux contrats, […] Dans le classement des agences d’influence VcomV, son entreprise s’est hissée à la première place.

Une réussite indéniable pour ce diplômé de Sciences-Po Bordeaux passé par des cabinets de taille modeste avant de gérer sa propre petite structure, Clekom Conseil puis Ella Factory, rachetée en 2017 par Publicis.

« JE SUIS UN CHASSEUR »

Léonarduzzi aurait-il ringardisé les communicants politiques de la génération précédente, Stéphane Fouks (Havas) et Anne Méaux (Image 7) ? « Duzzi », comme le surnomme un proche du président, serait plus « agile sur le numérique », moins « communicant à la papa ». « Je suis un chasseur », balance avec sérieux celui qui est capable de passer, en quelques années, de la défense des hôteliers contre Airbnb (AToP) à celle… d’Airbnb.

Un habitué des « coups », aussi, maniant avec efficacité la séduction, la culture du service rendu et l’art du rapport de force. Depuis son retour aux affaires, il vend aussi bien ses compétences que son carnet d’adresses.

Mais c’est sa proximité avec le président, qu’il conseille encore officieusement, qui lui confère cette aura singulière. Une position unique : un pied à l’Élysée, un autre dans le monde des affaires et la tête dans la zone grise du mélange des genres.

Clément Léonarduzzi fait pourtant mine de ne pas comprendre pourquoi on s’intéresse à lui, en ce matin d’avril. « Je suis inintéressant au possible », jure-t-il. Deux ans qu’il se fait discret. En privé, il raconte volontiers qu’il a refusé une offre de 900 000 euros des Éditions de l’Observatoire pour écrire le récit de son passage au cœur du réacteur. Il a maigri, depuis l’Élysée, et porte désormais des lunettes à fine monture. Sur ses épaules, toujours le même genre de costume gris sur une chemise blanche sans cravate.

On l’avait laissé à l’Élysée, communicant hyper-présent et efficace d’Emmanuel Macron, occupant un grand bureau vieillot au premier étage du Palais, veillant à centraliser la parole présidentielle, répondant aux journalistes dans le quart d’heure. Sympa, sans surjouer la connivence. « Smart », dit-on en macronie.

L’homme théorise l’importance des interventions « performatives », ciblées pour parler au bon moment avec le bon public. Sur ses conseils, le « président-candidat » Macron enchaîne alors les formats, un jour sur le média en ligne Brut, un autre chez les youtubeurs McFly et Carlito, quand ce n’est pas un entretien de vingt-trois pages au magazine « Zadig »…

Clément Léonarduzzi — promu « conseiller spécial » lors de la campagne de 2022 — serait ainsi « l’homme qui a fait réélire le président ». Il laisse dire. Quel intérêt de préciser qu’Emmanuel Macron n’a presque pas fait campagne, ou qu’il doit en partie sa réélection au caractère de repoussoir de Marine Le Pen ?

Son « spin doctor » a plié bagage quatre jours après le second tour, avant l’échec des législatives. Un avion pour les Maldives avec sa famille, une absence remarquée à la cérémonie d’investiture et, immédiatement, une signature chez Publicis, un retour au bercail, comme promis à Arthur Sadoun, le président du directoire. « J’étais cramé », se contente de dire a présent le communicant, qui rappelle avoir toujours annoncé vouloir s’en aller au lendemain de la réélection de son patron.

SECRET DE POLICHINELLE

C’est pratique, la fatigue, ça permet de passer sous silence cette lutte usante qui l’a opposé au puissant secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler.

Le discret « techno » n’a jamais apprécié les méthodes du communicant : il souhaitait pour le président plus de hauteur, moins d’agitation dans les médias. Dans la presse, Léonarduzzi réplique, organise discrètement une campagne de dénigrement contre le cerveau droit du président. Hurlements des macronistes historiques qui, aujourd’hui, racontent comment « Duzzi » aurait tenté un ultimatum auprès du chef de l’État, du genre « c’est lui ou moi ». L’intéressé nie. « J’ai senti que je pesais plus que je n’apportais », déclare-t-il simplement. […]

Clément Léonarduzzi, […] a le vent dans le dos depuis son départ de l’Élysée. De lui, ses clients disent qu’il est « créatif », « imaginatif », « assertif » et « provocateur ». Mais pas seulement. « À l’heure où on prête au président le pouvoir de tout faire, Clément, c’est aussi l’assurance d’une ligne directe avec Emmanuel Macron », concède le directeur de la communication d’un grand groupe français, dont le PDG fait appel à ses services. « Pouyanné n’a pas besoin de moi pour parler au président », balaie l’intéressé, qui brandit la déclaration de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie publique (HATVP, qui l’autorise à exercer ses fonctions de conseil aux dirigeants « sous réserve de s’abstenir de toute démarche auprès des membres du cabinet du président ») comme une absolution divine le protégeant de tout conflit d’intérêts.

Clément Léonarduzzi consacre pourtant une part importante de son énergie à rester au centre du jeu politique. C’est un secret de Polichinelle, mais il a contribué à savonner la planche de son successeur à l’Élysée, Frédéric Michel, congédié par le président avant Noël. Au début d’année, c’est l’ancienne plume, Jonathan Guémas, qui est appelée à la rescousse au Palais. Léonarduzzi jubile : il a lui-même formé aux relations presse ce normalien avec lequel il a des contacts quotidiens. « Jonathan est le poisson-pilote de Léonarduzzi », concède un proche du président, qui souligne que le premier a fait du second le parrain de sa fille. […]

MANIAQUE DU CONTRÔLE

Et puis l’homme demeure étroitement associé aux plans médias du président, au point d’être régulièrement invité lors de réunions stratégiques. « Il est consulté avant chaque intervention à la télévision : comment faire, avec qui, pour quel objectif. Il est toujours dans la boucle », jure le conseiller élyséen Bruno Roger-Petit. […]

Difficile, toutefois, de mesurer l’influence réelle de Léonarduzzi. […] Devant « le Nouvel Obs », l’intéressé se montre plus prudent, rappelle que la plupart de ses gros contrats ont été signés avant son passage à l’Élysée. Puis insiste, c’est important : il ne fait pas de lobbying ni d’affaires publiques, mais du conseil aux dirigeants. Ce qui l’exonère sur le papier des risques de conflit d’intérêts. « Nous sommes tous tristes de voir ce qu’il est devenu. Le matin à l’Élysée, l’après-midi a signé des contrats avec des clients. C’est le pire de la macronie des affaires, celle qui vit à cheval entre les deux mondes », soupire un de ses proches du temps des Gracques, ce think tank social-libéral au sein duquel il officia comme petite main et où il rencontra, en 2009, Emmanuel Macron.

Pour convaincre de sa probité, ce maniaque du contrôle — il supprime systématiquement tous ses messages envoyés via la messagerie cryptée Telegram — propose, affable, d’envoyer au « Nouvel Obs » « une liste de témoins de moralité ». On refuse poliment. Dans les jours qui suivent, les appels se multiplient pourtant pour vanter les mérites de l’intéressé : un conseiller de Brigitte Macron, deux autres d’Emmanuel Macron, deux directrices de la communication de grands groupes… « Clément Léonarduzzi m’a demandé de vous appeler pour dire du bien de lui », se marre un mauvais camarade. L’intéressé va jusqu’à suggérer, sérieux, de nous aider à obtenir « une quote du PR sur lui ». Comprendre : une phrase d’Emmanuel Macron.[…]

Quel est réellement le moteur de Clément Léonarduzzi ? Lui jure que ce n’est pas l’argent, même s’il en parle beaucoup. « On pensait que j’aimais trop la thune pour partir à l’Élysée. J’y suis resté deux ans », dit spontanément celui qui ne manque pas une occasion de rappeler « le sacrifice financier » que représentaient alors ses 14 000 euros brut mensuels. Il balaie les rumeurs qui le disent prêt à fonder son agence. […]


Camille Vigogne Le Coût. Le nouvel Obs N° 3108. 25/04/2024


2 réflexions sur “Il murmurait à l’oreille de Manu…

  1. bernarddominik 29/04/2024 / 8h43

    Un article qui montre la faiblesse de Macron, obligé de masquer son manque de résultats économiques et politiques par la communication. Et ça ne trompe personne.

    • tatchou92 29/04/2024 / 14h11

      Ils sont à combien : le SMIC ? le RSA ? la retraite moyenne des ouvriers ?
      le salaire moyen d’un enseignant ? d’une infirmière ? d’un cadre intermédiaire ? la bourse d’un étudiant, qui doit aussi payer sa chambre ?
      la note mensuelle d’EDF, du loyer..,

Rappel : Vos commentaires doivent être identifiables. Sinon ils vont dans les indésirables. MC