Mémé si tu vas rue du Moutier faire quelques courses je viens avec toi. Sortir avec ma grand-mère que j’adore et qui me laisse beaucoup de liberté, est mon grand plaisir il faut dire que dans la maisonnée, les sorties avec les adultes sont tellement exceptionnelles qu’elles se révèlent des instants privilégiés. Faire les courses à Villejuif se résume en ce temps-là, en deux lieux centraux du bourg. Les boutiques sont alignées de part et d’autre de la rue Jean-Jaurès et de la rue du Moutier utilisant comme pivot, la place de la Fontaine.
Là sont concentrés tous les commerces du village : plusieurs cafés dont un peu reluisant « O.20.100.O » (au vin sans eau), un bar tabac à l’odeur rance de la vinasse et de la nicotine mêlées ; plusieurs restaurants le plus chic « aux canards qui ne boivent pas d’eau » avec nappes et serviettes blanches les deux autres aux tables sans nappe, maculées, parfois poisseuses ; un libraire la famille Destauret ; un pharmacien et sa vitrine décorée de deux grosses boules l’une jaune, l’autre rouge dont je n’ai jamais su la réelle signification mais que l’on rencontraient souvent dans les officines ; un épicier-grainetier ; un droguiste ou se mélangeaient les odeurs de térébenthine et d’eau de javel, une boucherie chevaline et une boucherie de bœuf, un volailler, un tripier ouvert que certains jours de la semaine, un fromager-laitier éleveur réputé des divers productions fromagère de France ; un poissonnier ouvert seulement les vendredis,samedis et dimanches matin; deux boulangers aux fournils à l’ancienne était-il précisé sur leur vitrine ; un pâtissier qui de temps à autre s’autorisait à produire des glaces et sorbets sans prévenir; une laverie d’où s’échappait les jours où la température était plus fraiche des vapeurs épaisses sentant la propreté; une teinturerie ou manteaux, gabardines, robes, complet vestons et quelques fois une robe longue de mariée, pendouillaient prés du plafond ; un fleuriste ; un imprimeur et une petite salle de cinéma où dans le temps, le plus jeune frère de grand-mère Louise, l’oncle Lucien venait « faire le comique troupier » interprétant quelques chansons et blagues à l’entracte du grand film, sur la petite scène sans rideau assez haute pour en dessous laisser la place à un piano où l’«accompagnateur » de films muet tentait tant bien que mal d’illustrer les images projetées.
En ces jours de Pâques, grand-mère avait décidé d’ajouter quelques courses à sa liste habituelle. D’abord elle récupéra avec l’accord des propriétaires, quelques fleurs sauvages dans la cour du volailler. C’était tenu par 2 femmes. Au cou de chacune d’elle pendait par une fine cordelette, un tablier bleu, à poche ventrale qui dû un jour être immaculé. Dans cette cour, vaquaient librement en caquetant, une basse-cour disparate comportant une majorité de poules et quelques coqs, pintades et oies, au fond avant un jardin que l’on devinait abandonné au travers d’une porte branlante et ajourée, dans le reste de l’enclos se trouvait plusieurs remises dont l’une était la résidence des lapins. La vente se faisait dans une petite pièce aux murs qui ont dû être peints en gris un jour, au centre de la pièce pendait du plafond une malheureuse ampoule nue sous un abat-jour en opaline blanche, constellé de chiures de mouches, qui devait dispenser aux heures sombres une pâle lumière. Adossées au mur de gauche, quelques cages contenaient de gros lapins destinés pour quelques pâtés ou civets. L’odeur fade de la pièce, prenait à la gorge mais n’incommodait pas le moins du monde, les 2 fermières. La fenêtre aux vitres translucides ne devait pas s’ouvrir en tous cas je ne l’ai jamais vue ouverte. Cette pièce exiguë où se faisait la vente, comportait une table bancale, sur laquelle trônait une balance calée par des coins en bois sales et au milieu, dans un couffin d’osier, les œufs frais du jour comme l’indiquait une parfaite écriture manuscrite aux pleins et déliés, aux boucles harmonieusement étudiées. Les œufs avaient pour la plupart une coquille blanche, certains une coquille ocre plus ou moins foncée, quelquefois mis à part, de gros œufs blancs d’oie.
En ces jours de Pâques, grand-mère avait décidé d’acheter des œufs et quel ne fut pas mon étonnement de voir dans la corbeille des œufs de différentes couleurs. Bien sûr j’ai eu droit par une des propriétaires « oh c’est à cause des poules qui ont mangé de la couleur » asséné avec un grand rire.
La famille non pratiquante ne nous avait, mon frère et moi, jamais affranchi sur les rituels liés aux religions, aussi ne connaissions nous pas la coutume de Pâques, des œufs colorés. Ce n’est que rentré à la maison que grand-mère nous initia à la coloration naturelle des œufs. J’ai récemment retrouvé cette recette que je vous communique :
- Pour du rose / rouge : du jus de betterave
- Pour du marron clair / mordoré : des pelures d’oignon
- Pour du bleu : du chou rouge
- Pour du vert : des épinards frais
- Pour du marron foncé : du café infusé
D’abord faire cuire les oeufs pendant 5minutes ensuite :
- Placer l’ingrédient correspondant à la couleur de votre choix dans une casserole. Prendre une casserole plus ou moins grande en fonction du nombre d’œufs qui y seront teints. Ajouter les œufs et recouvrir d’eau. Porter à ébullition et laisser mijoter pendant 20 minutes.
- Après 20 minutes, retirer délicatement les œufs de la casserole à l’aide d’une écumoire et les placer dans un pot ou un bocal résistant à la chaleur. Couvrir les œufs avec le liquide de teinture, ajoutez du vinaigre blanc, environ une cuillère à soupe pour 25 cl, et laisser refroidir et reposer à température ambiante pendant au moins 4 heures (ou toute la nuit). Plus les œufs tremperont longtemps dans le bain de teinture, plus leur couleur sera intense.
- Retirer les œufs du bain de teinture et laisser sécher. Quand ils sont secs, les badigeonner si désiré avec une goutte d’huile afin d’en intensifier la couleur.
Œufs blancs ou bruns ? La plupart des œufs achetés dans les supermarchés sont de couleur brune, mais il est parfois possible d’en trouver des blancs autour de la période de Pâques. La couleur originale de l’œuf va affecter sa couleur finale. Le chou rouge donnera ainsi une teinte bleue aux œufs blancs et une teinte verte aux œufs bruns. De même, la betterave fera virer les œufs blancs au rose et les œufs bruns au marron. D’autres couleurs apparaîtront plus riches et authentiques sur des œufs bruns, comme le curcuma, alors que les œufs blancs donneront un résultat plus vif. Plus vous laissez les œufs tremper longtemps dans le colorant, plus la couleur sera intense. Mais dans certains cas, la couleur va varier en fonction du temps de teinture. Par exemple, le jus de betterave donne une couleur rose si les œufs sont laissés dans le bain de teinture pendant un court laps de temps, et une couleur rouge s’ils restent plus longtemps. De même, les épinards peuvent donner des œufs variant du gris au vert. Pour obtenir un vert éclatant, il vaut donc mieux laisser les œufs tremper plus longtemps dans le bain de teinture. En mémoire de ceux de ma famille …
Louise Davière Clemenceau -1891 -1982
Emile-dit Jean-Louis Clemenceau – 1921 – 2002
Merci de ne pas recopier où rebloguer. MC
Place de la Fontaine, carrefour des commerces du centre de Villejuif (94800, Val de Marne – France) regroupés entre le milieu de la rue Jean Jaurès et la Rue du moutier; aujourd’hui remodelée complétement, l’ex rue du Moutier, a pour nom : rue Georges Le Bigot, des HLM, une galerie Marchande et un « Monoprix » ont décimé tous les petits commerçants « comme partout » … encore faut-il noter que grâce a la volonté d’un équipe municipal, il reste quelques commerçants en centre ville. MC
Rue Jean Jaurès – Hier
Rue Jean Jaurès – Aujourd’hui
Merci pour ces superbes souvenirs, bises Isabelle
souvenirs, souvenirs de chasses aux œufs portant les mêmes couleurs..
Là, j’aime et je le dis, pour le reste, je vous lis, mais ne m’en voulez pas de ne pas marquer mon passage ou de ne pas commenter, tout cela est effrayant …!!!
Oh qu’ils sont beaux et bien racontés ces souvenirs! 🙂
La recette des œufs!
Ah Villejuif! Je connaissais bien la rue Jean-Jaurès pour y passer régulièrement dans la voiture de mon papa ou de ma tante pour aller et revenir de Joinville ou St Maur à Arcueil où nous allions rendre visite à mon oncle, boucher, et ma tante et mes cousins et cousines, pas forcément à Pâques d’ailleurs 😉 Que de bons souvenirs!
Ma grand mère polonaise les peignait aussi. Je me souviens d’une crise de foie mémorable tant que je les trouvais beaux. Parce qu’une fois cassés, il fallait les manger ! :/
Oui, je me souviens que certains œufs durs et colorés avaient un drôle de gout. Mais c’etait pâques et la volaillère etait contente d’entendre les questions de petits commissionnaires que nous étions.