Dès l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, et plus encore depuis que la guerre s’abat en riposte sur Gaza, les actes antisémites ont explosé en France. Plus de mille ont été recensés en un mois, dont les autorités recherchent les auteurs et les motivations, diverses. […]
Depuis des décennies, le sociologue Michel Wieviorka, petit-fils de déportés morts à Auschwitz, explore les ressorts et évolutions du racisme et de l’antisémitisme en France.
Dans La Dernière Histoire juive (éd. Denoël), il s’appuie sur ces blagues jadis populaires pour explorer la place des Juifs dans la société moderne et les divers visages d’un antisémitisme jamais éteint.
La peur et la solitude des Juifs de France atteignent-elles un niveau inédit ?
L’actualité réactive des tendances à long terme. Les Juifs de France ont déjà eu ce sentiment d’être abandonnés de rencontrer de l’indifférence face à des violences antisémites.
Deux exemples : les meurtres commis à l’école juive de Toulouse en 2012 n’ont pas suscité l’énorme émotion nationale à laquelle on aurait pu s’attendre. Et dans la mémoire de janvier 2015, les morts de Charlie Hebdo gomment généralement ceux de l’Hyper Cacher. On a dit « je suis Charlie », rarement « je suis l’Hyper Cacher ».
Ce sentiment de solitude était perceptible dès la fin des années 1990, quand on a identifié un nouvel antisémitisme, venu du Proche-Orient et plus seulement de l’extrême droite, notamment quand on a compris que les attentats des rues Copernic (1980) et des Rosiers (1982) n’étaient pas le fait de néonazis mais de terroristes proches de la cause palestinienne. […]
[…] La réalité de la Shoah n’a été perçue dans toute la société, notamment française, qu’à partir des années 1970. Depuis, ce souvenir a été institutionnalisé dans des musées, des enseignements, des lieux de mémoire… Inscrit dans l’histoire, il est mieux connu, mais lointain pour les jeunes d’aujourd’hui.
[…] Le 7 octobre 2023 marque aussi un autre traumatisme, en révélant la fragilité de l’État d’Israël. […]
Le conflit Israël-Hamas n’est-il qu’un prétexte ?
Chaque embrasement au Proche-Orient exacerbe des opinions antisémites. Ce n’est pas un prétexte, c’est le moteur d’une libération de ces affects. Plusieurs types de personnes sont susceptibles de porter cette haine des Juifs.
D’abord certains musulmans : tous ne sont évidemment pas antisémites, néanmoins il y a toujours eu de la place pour cette haine dans les cultures arabe et musulmane […]
Ensuite, au niveau politique : à la gauche de la gauche, ceux qui rejoignent la cause palestinienne expriment parfois des positions antisionistes très voisines de l’antisémitisme – avec les raccourcis implicites que les Juifs c’est l’argent, la religion, la colonisation. […]
Mais le corps social, lui, y reste relativement indifférent…
J’y vois une lassitude de devoir de nouveau exprimer de la sympathie pour les Juifs, et même chez certains une lassitude de la Shoah. Tout cela s’inscrit dans une histoire très longue, au cours de laquelle la présence juive apparaît comme celle d’une altérité qui ne veut pas se dissoudre. C’était déjà le moteur du vieil antijudaïsme chrétien : les Juifs ont tué Jésus, et en plus, ils ne veulent pas se convertir, ni nous convertir.
Cette altérité veut exister, choisit d’être irréductible, dans un modèle français qui ne jure que par l’intégration et hésite à reconnaître de la visibilité à des communautés.
Il y a peut-être aussi une certaine mauvaise conscience collective d’avoir lâché les Palestiniens qui, en 1948, à la création d’Israël, devaient aussi avoir un État. C’est dramatique qu’il ait fallu la barbarie terroriste du Hamas pour que soit rouvert le dossier palestinien dont tout le monde se fichait ou presque. […]
Peut-on témoigner à la fois sa sympathie à la population israélienne et à celle de Gaza ?
Je crois que cet espace existe, qu’il est plus large qu’on ne le croit. Mais il n’est pas structuré, organisé, incarné. […] … nous sommes nombreux à refuser la tendance dominante de radicalisation d’un camp contre un autre, à vouloir débattre et réfléchir ensemble sur l’avenir. C’est la seule démarche constructive. […]
Juliette Bénabent. Télérama. N° 38 53 – 15/11/2023. Source (extraits)
Bien sûr ! Les victimes, les blessés et les morts quels qu’ils soient, juifs ou palestiniens sont à plaindre comme je plains les victimes ukrainiennes autant que les russes car dans le fond, les responsables, eux, dorment au chaud et en sécurité dans leur bunker.