La science du X

La pornographie, c’est mal : ce discours n’est pas nouveau.

Le rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), intitulé « Mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique », va exactement dans ce sens.

Certes, on comprend que si un garçon ou une fille de 12 ans fait son éducation sexuelle avec des vidéos montrant des jeunes femmes attachées dans des caves et qui se font éjaculer et uriner dessus par une dizaine d’individus, cela peut laisser des traces dans l’épanouissement de la vie amoureuse.

D’un côté, on comprend, mais de l’autre, il faut se rappeler que le refrain de la pornographie pervertissant la jeunesse est aussi vieux que les images cochonnes. On l’entendait déjà à propos des magazines montrant des seins nus dans les années 1950, et aussi à l’apparition des cinémas X dans les années 1970 (le chef de file des anti-porno était alors le maire de Tours, Jean Royer, et tout le monde ricanait de lui en le surnommant Père la pudeur).

Toujours est-il que le rapport du HCE affirme que « les violences sexistes et sexuelles augmentent avec la consommation de pornographie, selon un large consensus scientifique », que « les garçons exposés à la pornographie présentent 3,3 fois plus de risque d’avoir des comportements sexuellement préjudiciables », et que des études ont « montré E...] une association positive […] entre la consommation de pornographie et les attitudes favorables à la violence envers les femmes »… Mais il ne suffit pas de l’affirmer, il faut des arguments. Dans ce rapport de plus de 200 pages, il y en a une seule, pas plus, qui concerne les études scientifiques.

Le problème est que l’immense majorité d’entre elles portent sur ce qu’on appelle des corrélations. Il semble admis que les hommes qui consomment davantage de pornographie sont aussi les plus agressifs. Mais c’est une corrélation, et non une causalité. Est-ce parce qu’ils ont des tendances agressives qu’ils regardent davantage de films pornos ? Ou est-ce le fait de regarder des films pornos qui les rend agressifs ? Difficile à dire, et pourtant, la plupart des discours politiques et médiatiques confondent allègrement corrélation et causalité.

À cela, il faut ajouter une nette tendance à confondre pornographie violente et, disons, « normale », à la papa-maman. On peut d’ailleurs s’interroger sur cette notion de violence, quand on découvre dans le rapport du HCE que l’éjaculation buccale est qualifiée d’acte « d’humiliation et de dégradation » (p. 21 et p. 106).

D’autres études montrent, a contrario, des effets positifs de la pornographie. On pourrait notamment citer celle de Taylor Kohut, chercheur au département de psychologie de l’université de Louvain, en Belgique, qui conclut que la consommation de pornographie au sein du couple améliore la vie sexuelle.

Ou celle de Nicolas Sommet, chercheur en psychologie sociale à l’université de Lausanne, en Suisse. Il a suivi plusieurs dizaines de milliers de personnes pendant de nombreuses années, en les interrogeant régulièrement sur l’estime qu’elles avaient d’elles-mêmes.

Par exemple, est-ce qu’elles avaient l’impression, ou pas, d’être un(e) bon(ne) partenaire sexuel(le) ? Il en ressort, selon le chercheur, que « la pornographie a des effets positifs pour les femmes, car pour elles c’est un vecteur d’informations sexuelles ; mais elle a des effets négatifs pour les hommes, car ils sont plus anxieux ».

Autrement dit, en voyant des films de cul, les femmes apprendraient des techniques qui les valoriseraient, alors que les mecs déprimeraient de ne pas se sentir à la hauteur des hardeurs…

Les films de boules sont-ils, de par leur contenu, plus nocifs aujourd’hui qu’à l’époque de la révolution sexuelle ? Ou bien sont-ils plus nocifs parce qu’ils sont plus accessibles à cause d’Internet ? Ou faut-il simplement du temps pour digérer les changements de mentalités ?

Ce qui signifierait que, dans deux ou trois décennies, ceux qui condamnent aujourd’hui les triples pénétrations paraîtront aussi ridicules que ceux qui s’offusquaient des seins nus dans les années 1950 ? Quand on parle de sexe, on ne se méfie jamais trop des possibles amalgames entre faits scientifiques et valeurs morales.


Fabrice Nicolino. Charlie Hebdo. 08/11/2023


4 réflexions sur “La science du X

  1. bernarddominik 14/11/2023 / 8h31

    L’identité numérique sera le moyen de bloquer l’accès au porno des mineurs. L’UE aurait un projet en ce sens.

  2. Anne-Marie 14/11/2023 / 18h50

    « la pornographie a des effets positifs pour les femmes, car pour elles c’est un vecteur d’informations sexuelles  »
    Qu’est-ce qu’il ne faut pas lire, mais puisque ce sont des « experts » (hommes, bien entendus) qui vous le disent …

    • Libres jugements 14/11/2023 / 22h30

      En effet Anne-Marie, il est difficile de défendre ce texte.
      Je voudrais revenir en arrière un instant – je suis un vieux machin, je le sais – l’éducation sexuelle n’existait pas dans les années 55 – 65. C’était un sujet tabou, rappelons aussi que dans ces années-là les écoles garçons et filles étaient séparées. Quelquefois des photographies plus ou moins explicites circulaient chez les garçons. Les expériences sexuelles avec les filles de même âge étaient fort rares. N’oublions pas que dans le même temps sévissaient la guerre d’Indochine et d’Algérie limitant les engagements et rapports sexuels, hors ceux pratiqués avec des prostituées.

      Je ne dis pas que c’est une chance, mais aujourd’hui les mœurs ayant évolué et c’est fort heureux, l’identification sexuelle est diffusée dans les écoles, les films comportent des scènes de rapports sexuels explicites et ne le cachons pas, nos bambins malgré toutes les réserves que nous leur inculquons, ont ou auront visionné des films pornographiques bien avant l’âge adulte.
      Enfin, je ne suis pas un expert loin de la statistique en referncess pornographiques; je fais là, juste un constat.
      Amitiés
      Michel

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