Très assidu à l’Assemblée et aux chaînes d’info en continu, le député RN de la Somme joue les dissipés avec un succès mitigé.
« Arrête ton bla-bla ! »

Bref instant de stupeur chez quelques députés et ministres. « J’étais devant la télé, je me suis dit : « Mais enfin, c’est quoi, ça ? » » confie un membre de cabinet ministériel qui se souvient fort bien du moment. « Ça », c’est un trublion, c’est Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme, star des chaînes d’info en continu.
Ce 18 octobre 2023, une voix aiguë affectée d’un léger zozotement retentit dans l’hémicycle de l’Assemblée, alors qu’Elisabeth Borne est en train d’engager la responsabilité de son gouvernement sur la partie recettes du budget 2024.
L’hémicycle, c’est son autre terrain de jeu. Quelques mois auparavant, toujours à l’Assemblée, il avait publiquement taclé un député de la majorité particulièrement fayot d’un strident : « C’est bien, tu l’auras, ton sucre », déclenchant le fou rire de Marine Le Pen.
Sergent Pipeau
C’est open bar au RN pour le fringant Tanguy depuis que Florian Philippot a été prié de bien vouloir prendre la porte. Ce proche de Sébastien Chenu, député RN du Nord, est, comme Philippot, homosexuel assumé, surdiplômé (Sciences-Po Paris, Essec), gaulliste, souverainiste et grande gueule.
Il a bossé huit ans aux côtés de Nicolas Dupont-Aignan, puis, voyant que la petite boutique du patron, Debout la France (DLF), allait tout droit à la banqueroute, il s’est rallié à Marine Le Pen en 2020. Quand Dupont-Aignan a appris cette défection, il l’a viré illico. Tanguy s’est marré : « Les statuts du parti, c’est moi qui les ai écrits ! »
Pas fou, Tanguy n’est pas arrivé seul au RN, il est venu avec une soixantaine de cadres du mouvement et a obtenu le statut de parti associé pour une petite structure au nom pompeux dont il se proclame le président, L’Avenir français (LAF).
Bien pratique, ce micro-parti, qui parvient à faire élire 14 de ses membres aux régionales de 2021, 6 députés l’année d’après, et qui a des locaux dans le très cossu VIIe arrondissement. Voilà qui permet à Tanguy de placer ses gars et de peser au sein du RN. Il est catapulté directeur adjoint de la campagne de Marine Le Pen en 2022.
Il n’a pas tort d’assurer ses arrières, car il est peu apprécié par le président du parti, qui n’aime guère la concurrence. Avec Bardella, les frictions sont notoires. Tanguy soutient l’inscription de l’IVG dans la Constitution, le mariage homosexuel, et il reproche à Bardella, comme son pote Chenu, sa fascination pour Zemmour et sa proximité avec Giorgia Meloni.
Membre assidu de la commission des Finances, Tanguy a bien compris qu’il ne fallait pas se faire enfermer dans son rôle de sniper de l’hémicycle. Aussi soigne-t-il particulièrement le récit de son parcours, au prix de savoureuses approximations. « Il a un côté drama queen », rigole un de ses copains du RN.
Juste avant de bosser pour Nicolas Dupont-Aignan, il a travaillé chez General Electric (GE), au cabinet de Clara Gaymard, sa présidente d’alors. Il dit avoir été marqué jusqu’aux tréfonds de son être par l’affaire du rachat d’Alstom par la compagnie américaine, sur fond de poursuite des dirigeants français.
« J’ai vu et n’ai rien pu empêcher. C’est le drame de ma vie », a-t-il confié, expliquant ainsi son engagement politique et ses combats pour la souveraineté économique. Mais les agissements reprochés à la direction de l’entreprise datent de 2014, deux ans après son départ… Et qu’a-t-il « vu » ?
« Rien du tout, il avait 26 ans, il était super stagiaire à la com’ chargé du café ! » se souvient un cadre de GE. Son départ de Saint-Cyr, qu’il intègre et quitte au bout d’un mois, fait également l’objet d’un storytelling soigné pour la presse.
« J’ai été viré pour des raisons de comportement. Je saluais les colonels comme les sergents. Je n’ai pas eu le courage de faire tous les compromis nécessaires pour une bonne adaptation. » Et si c’était tout simplement la difficulté à s’adapter à la grande muette pour un pioupiou qui brûlait d’être dans la lumière ?
De son homosexualité, il a décidé de faire un outil politique : « Appartenir à une minorité me rend allergique à l’idée même de discrimination. » Parfois, il s’emmêle les pinceaux, comme lorsqu’il affirme que le RN a rompu tout lien avec le GUD, alors que le principal prestataire du RN pour les européennes appartient à deux ex-gudards.
1G sucré
Il se voit ministre de l’Économie, il en rêve, s’est déjà fait des copains chez Rothschild en déclarant, un mois après son élection : « Rothschild a pris Emmanuel Macron parce qu’il était sympa et qu’il savait solliciter les aspirations homo-érotiques d’un certain nombre de cadres. »
Succès garanti dans les banques d’affaires.
Marine Le Pen est venue le soutenir lors des législatives et a dit tout le bien qu’elle pensait de lui : « C’est un joli garçon absolument remarquable. »
Le « beau gosse » multiplie les compliments : « Marine est dans le refus de l’embourgeoisement, j’adore ça. »
A 37 ans, il fait le beau et attend lui aussi son susucre.
Anne-Sophie Mercier. Le Canard enchaîné. 01//2023
Note : Sur ce blog, déjà plusieurs articles lui sont consacrés… passer par » Recherche » pour les trouver.