« Balancer » la loi SRU

Partant d’une excellente analyse-constat : « ne pas créer plus des ghettos dans les villes-villages », l’état  » préconise  » de mauvaises alternatives aux mairies. MC

Les préfets viennent d’en recevoir l’ordre : ils, doivent cesser d’attribuer des logements aux plus précaires dans les quartiers prioritaires. « Toutes les difficultés ne peuvent pas être rassemblées au même endroit », a asséné Élisabeth Borne, le 27 octobre, à l’issue d’un comité interministériel des villes destinées à tirer les leçons des « émeutes urbaines » du printemps dernier. Aucune consigne, en revanche, pour faire respecter la loi Solidarité et Renouvellement urbain (SRU), un levier pourtant fondamental de cette « mixité sociale » chère à la Première ministre.

Depuis le 13 décembre 2000, l’article 55 de cette loi impose aux villes de disposer d’un nombre minimal de logements sociaux. En cas de manquement, elles sont mises à l’amende. Étrangement, certaines municipalités échappent à toute pénalité — sous le regard bienveillant des représentants de l’État. Ces préfets sont parfois si sympas !

Celui des Alpes-Maritimes, par exemple, a intrigué les magistrats du Parquet national financier, lesquels, dans la plus grande discrétion, ont ouvert, en février 2022, une enquête préliminaire pour « concussion et toutes infractions connexes » au sujet de l’application de la fameuse loi SRU dans la ville de Nice. Depuis plus de vingt ans, la municipalité, conduite par Christian Estrosi, est hors la loi et n’est pas sanctionnée pour ça. Une histoire de climat, peut-être ?

Résultat : la cinquième ville de France (340 000 habitants) ne compte qu’un peu plus de 13 % de logements sociaux, soit la moitié de ce qu’impose la loi. Selon les bilans officiels, elle n’a rempli que 36 % de ses obligations en matière de construction de 2014 à 2016, et seulement 29/43 % pour les trois années suivantes.

Pourtant, les préfets, char­gés d’établir les contredanses, ont fait preuve d’une étrange mansuétude — en particulier Bernard Gonzalez, qui a quitté ses fonctions le 30 septembre.

Amende douce

Ces braves sont allés jusqu’à désobéir aux consignes du gouvernement ! Et à s’affranchir de cette « instruction » du 23 juin 2020 signée par Jacqueline Gourault, alors ministre de la Cohésion des territoires, qui demandait aux représentants de l’État de « mettre en œuvre la procédure de carence » en cas de déficit.

Cinq mois plus tard, la commission nationale SRU, où siègent hauts fonctionnaires, dirigeants associatifs et élus, en remettait une couche (épaisse).

Dans son avis du 17 novembre 2020, elle proposait de coller une prune conséquente à la ville de Nice, l’argent de ces pénalités devant servir à alimenter un fonds national d’aide à la pierre.

Estimée à près de 11 millions pour la seule période 2017-2019, la douloureuse aurait pu être doublée si M. le Préfet — qui, contacté par « Le Canard », n’a pas donné suite — avait considéré qu’Estrosi était en état de récidive. Mais comme il n’avait même pas voulu voir la première infraction…

Les gendarmes de la section de recherche de Montpellier sont chargés d’établir aujourd’hui si cet aveuglement était volontaire, et si la bienveillance du préfet Gonzalez a été récompensée d’une manière ou d’une autre. Par un logement social pour sa retraite, par exemple ?


Didier Hassoux. Le Canard enchaîné. 01//2023


2 réflexions sur “« Balancer » la loi SRU

  1. christinenovalarue 08/11/2023 / 13h12

    Si l’on n’attribue plus de logements aux plus précaires, où se logeront -ils ?

    • Libres jugements 08/11/2023 / 14h09

      Peut-être que quelques sous-entendus rôdent notamment celui D’une interprétation du taxi permettrait de faire une sélection de quelques attributions hors X ou Y…
      D’un autre côté, il faudra bien résoudre un jour ou l’autre, le problème des zones de non-droit dues en particulier aux rassemblements de communautés amenant des ghettoïsations.
      Un problème délicat à résoudre que les gouvernements successifs ont plus ou moins délaissé soient par Assèchement de finances destinées soient par volonté politique électoraliste.
      Amitiés
      Michel

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