Baragouiner l’franchouille !

Crachez cette langue que je ne saurais ouïr

Un académicien qui traite le chef de l’État de « tartuffe », des sénateurs de droite qui rejoignent les lepénistes , et le Président, pour dé-zinguer l’écriture inclusive et son point médian ! On les adore, ces querelles à propos de la langue française.

Depuis Malherbe, elles sont éternelles.

Au centre du ring aujourd’hui : le franglais, qui tient la corde, et les langues régionales, qui tentent d’imposer leur imperium. Chaque fois les débats sont sanguins, les opinions tranchées, et, à la fin, les plus censés se remémorent les mots de Victor Hugo : « La langue française n’est point fixée et ne se fixera point. » Qu’on se le tienne pour dit ?

Mille fois non. La polémique est repartie de plus belle à l’occasion de l’inauguration de la grande œuvre d’Emmanuel Macron, une Cité internationale de la langue française, sise à Villers-Cotterêts, où fut signée, en 1539, l’ordonnance imposant le français dans les tribunaux à la place du latin ou des langues régionales.

Le RN, qui gère la ville picarde, a trouvé que, 210 millions d’euros pour la restauration du château de François Iᵉʳ, c’était trop d’argent. Intéressant de la part d’une extrême droite d’or­dinaire à cheval sur le patrimoine et chauvine sur la langue, sauf l’allemande. Elle craint de disparaître sous une flopée de visiteurs ?

Les régionalistes se sont plaints, eux, que les langues régionales ne soient pas assez visibles. Et l’Académie a piaillé.

Toute l’Académie ? Non, un réduit figaresque qui, par la voix de Jean-Marie Rouart, le d’Ormesson du pauvre, a donc traité Macron de « tartuffe ».

Le motif de son ire ?

Le président parle trop anglais, my God. « faut chercher loin dans l’histoire de France pour trouver un responsable politique qui aura autant nui à la langue française », s’est lamenté le romancier dans une tribune d’assaut. On a connu les plumes du « Figaro » plus respectueuses de la doctrine maison : un sujet, un verbe, un compliment. Et Rouart de conclure en fustigeant la « muséification » de la langue française « à une heure de Paris » et en prédisant, avec un rien de mépris, que « personne ne viendra dans ce château » picard.

Il n’est que le quai Conti qui vaille ?

Résultat, il a fait exploser l’Académie. « Une langue, ça n’appartient pas », a tempéré sa collègue Barbara Cassin, citant Jacques Derrida. Elle était, elle, du voyage à Villers avec Amin Maalouf, le nouveau secrétaire perpétuel, ignorant ceux qui prétendent défendre la « pureté » d’une langue qui se nourrit depuis des siècles de ses multiples apports. « J’ai plié la langue française à mon vouloir-dire », affirmait Aimé Césaire.

On est tous des petits Césaire.


Article signé des initiales J.-M. Th. Le Canard enchaîné. 01/11/2023


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