PMA : elles veulent faire un bébé toute seule

Elle a fait un bébé toute seule. La chanson de Jean-Jacques Goldman, de 1987, revient à la mode !

Depuis la loi de bioéthique de 2021, les femmes qui aspirent à être maman solo sont de plus en plus nombreuses à pousser la porte des services de Procréation médicalement assistée (PMA) des hôpitaux français.

Le texte élargit l’accès de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Initialement votée pour répondre à une revendication des couples lesbiens, elle ouvre au­jourd’hui une forte attente d’un autre public : les femmes célibataires.

« Le temps passe » le tic-tac de l’horloge biologique

« Parmi les 6 200 personnes en attente d’un don de gamètes [spermatozoïdes ou ovules, NDLR] pour une PMA, 41 % sont des couples de femmes et 40 % des femmes seules, une proportion importante que l’on n’avait pas anticipée », observe Marine Jeantet, directrice de l’agence de biomédecine.

Solenn, 36 ans, est l’une d’entre elles. « Le temps passe », explique-t-elle, et avec lui, la baisse de la fertilité. L’espoir de trouver un partenaire pour fonder une famille s’amenuise alors que l’horloge biologique, elle, avance.

Alors, Solenn s’est décidée à pousser la porte du CHU de Brest pour commencer un parcours de PMA, après en avoir beaucoup discuté avec son entourage. « J’ai très très peur, mais faire ce bébé toute seule est le meilleur choix que je puisse faire », souffle-t-elle.

À l’hôpital Tenon, à Paris, on pousse les murs pour absorber « le choc de la révolution des nouveaux parcours, et notamment la très forte augmentation de femmes seules », témoigne le Pr Rachel Levy.

En 2020, l’hôpital gérait 30-à 40 demandes de dons de spermatozoïdes par an. Après la loi de bioéthique, en 2022, les demandes sont passées à 816, et la tendance se poursuit en 2023 avec 460 demandes enregistrées fin août.

« Les femmes non mariées sont plus âgées en moyenne que les femmes que nous recevons dans les couples hétérosexuels classiques », observe la médecin.

Des demandes de femmes très jeunes qui soulèvent question

Les professionnels s’étonnent de demandes de femmes très jeunes, parfois à 18 ans. « On leur dit qu’elles ont le temps de la fertilité et de trouver le prince charmant. Mais pour beaucoup, ce n’est pas une option : certaines veulent juste un enfant, et pas le prince charmant », résume Margaux Gandelon, présidente de l’association Mam’ensolo, qui défend les femmes seules en parcours de PMA.

Entamer un tel processus à cet âge interroge au sein de l’agence de biomédecine.

« La loi ne met pas de limite d’âge inférieure. Nous avions proposé d’établir un âge minimal à 29 ans pour entamer un parcours de PMA quand on est une femme célibataire », explique Marine Jeantet.

« Les parlementaires ne l’ont pas retenu car ils estimaient qu’il ne fallait pas faire de discrimination avec les couples hétérosexuels. Mais, dans les faits, quand un couple hétérosexuel pousse la porte d’un hôpital, il a en moyenne au moins 25 ans. Car, ils essaient d’abord seuls d’avoir un enfant, puis leur médecin leur conseille d’attendre deux ans avant d’avoir recours à une aide médicale », explique la directrice de l’agence de biomédecine.

Difficile, aujourd’hui de savoir combien de femmes très jeunes font une demande de PMA. L’agence vient de lancer une enquête statistique pour investiguer cette situation qui n’avait pas été anticipée et « qui pose question », estime Marine Jeantet.

Encadrer l’âge minimum du recours à la PMA en célibataire pourrait revenir dans le débat car « ce n’est pas anodin », plaide la directrice de l’agence de biomédecine.

Tant sur le plan médical – la stimulation hormonale-pouvant avoir un impact sur la santé des femmes – que sociétal.


Élodie Bécu. Le Dauphiné Libéré. 28/10/2023


Un avis de Céline Gandner « Un conseil aux jeunes femmes : congelez vos ovocytes ! »

Qu’est-ce qui vous a conduit à vous lancer dans un parcours de PMA en solo ?

« En 2018, j’ai 44 ans et je quitte 21 ans d’activité passionnante à France 5, où j’étais en charge de documentaires. Au moment où j’arrête de travailler, j’ai enfin du temps pour moi et je réalise qu’il faut que je me dépêche d’avoir un enfant. Ce désir, pour moi, est essen­tiel et mûrement réfléchi. Dans ma vie amoureuse, le bon moment n’est jamais venu. Soit parce que j’étais trop jeune et que ce n’était pas le bon timing. Soit, ensuite, parce que ce désir ne s’emboîtait pas avec celui de mon compagnon. À 44 ans, je suis célibataire et je me dis que je n’ai plus le temps de réfléchir. Il faut y aller. »

Vous êtes-vous posé des questions sur la difficulté d’élever seule un enfant ?

« Non, les questions que je me suis posées étaient davantage de nature éthique, autour de l’anonymat du donneur. Être maman solo, en revanche, ne constituait pas un obstacle. Je suis entourée d’amies, qui élèvent seules leur enfant, pas forcément par choix, mais parce qu’elles sont séparées. Et même si j’avais eu un enfant en couple, rien ne garantissait qu’au final, je ne finisse pas par devoir l’élever seule ! En revanche, j’en ai beaucoup parlé autour de moi. Il ne s’agissait pas d’un caprice d’enfant gâté. Mon entourage y était favorable, voire me poussait. Alors, je me suis lancée ! »

Comment s’est passé votre parcours ?

« Je suis allée en Belgique, car à l’époque la PMA pour les femmes seules était interdite en France. Des gynécologues en France m’ont aussi aidé, dont René Frydman. Quand vous commencez un parcours de PMA, votre emploi du temps ne tourne plus qu’autour de ça. Il se résume à des piqûres d’hormones pour stimuler l’ovulation tous les soirs — ce qui oblige à jongler quand on a des rendez-vous ou des activités ! — Des contrôles tous les deux jours par échographie pelvienne et folliculaire. Et il faut se tenir prête à partir au plus vite au moment de l’ovulation pour réaliser l’insémination. J’ai fait huit mois de traitement, ce qui est épuisant. Et réalisé cinq tentatives qui n’ont pas marché. J’ai tout essayé, et à 46 ans, j’ai compris qu’il était trop tard, et j’ai arrêté. »

Une décision douloureuse ?

« Non, parce que j’ai tout tenté. Mais si j’ai un conseil à donner aux jeunes femmes aujourd’hui, c’est d’utiliser la nouvelle disposition de la loi de bioéthique qui permet aux femmes de 27 à 39 ans de congeler leurs ovocytes. Au départ, dans ma vie, rien n’indiquait que je n’aurais pas d’enfant. Je n’imaginais pas que cela puisse se passer. Mais la vie est pleine d’imprédictibilité, et ne se passe pas toujours comme on l’imagine au départ. Si j’avais eu la possibilité de congeler mes ovocytes, je suis sûre qu’aujourd’hui, j’aurais au moins un enfant ! »


Propos recueillis par Élodie Bécu. Le Dauphiné Libéré. 28/10/2023.


2 réflexions sur “PMA : elles veulent faire un bébé toute seule

  1. marie des vignes 29/10/2023 / 9h02

    Bonjour Michel chacun est libre mais pour moi, un enfant a autant besoin d’un père que d’une mère, mais je suis de l’ancien temps bon Dimanche Amitiés MTH

    • Libres jugements 29/10/2023 / 15h08

      Bonjour Marie merci pour ton commentaire.
      Lorsque le débat s’est engagé je n’étais pas à priori contre la PMA puisqu’il était alors possible qu’un foyer composé d’un homme et d’une femme ne pouvant avoir d’enfants pour raison médicale de l’un ou de l’autre, à avoir recours à ce procédé. Procéder qui pouvait être acquis au demeurant dans des pays étrangers moyennant finances d’ou une sélection d’un certain nombre de couples alors que le phénomène peut-pouvait toucher tout le monde, un jour ou l’autre.
      À vrai dire je n’avais pas étudié à fond l’intégralité de la permissivité que permettait l’autorisation de la PMA.
      Que cette autorisation soit étendue à un couple de lesbiennes me pose un problème, non pas parce que ce sont deux femmes, mais parce la loi de la nature oblige d’utiliser le sperme d’un homme X pour concevoir.
      Maintenant lorsque je lis l’article que je vois des femmes seules, voir des jeunes femmes seules, pouvant bénéficier de cette PMA, là, je me dis que les mœurs actuelles acceptent bien des déviances.
      Au passage et à titre personnel, je dis mon refus total de la GPA (gestion pour autrui) et cette marchandisation dévolus ainsi, à l’enfant à naître.
      En fait, je pense qu’ils y auraient des questions morales à observer avant d’autoriser certaines évolutions de la science et de ses pratiques. Mais c’est une autre histoire
      Avec toute mon amitié
      Michel

N'hésitez pas à commenter