… Il a dit tout haut ce qu’il fallait taire…
Cela faisait sans doute trop longtemps qu’il déparait dans le paysage.
Pierre-Louis Bras, le président du Conseil d’orientation des retraites (COR) depuis 2015, a été écarté de son poste par le gouvernement. Comme l’a révélé Le Monde mercredi 25 octobre, le haut fonctionnaire sera démis de ses fonctions et remplacé dans le courant de la semaine prochaine, lors du conseil des ministres. La nouvelle lui a été annoncée dans la soirée du 24 octobre.
L’entourage de la première ministre, Élisabeth Borne, a assuré à l’AFP qu’il ne s’agit en rien d’« une mesure de sanction » […] indique Matignon.
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Peu de surprise dans cette éviction. Dès cet été, les services de l’État ont contacté plusieurs experts des affaires sociales pour leur proposer de remplacer Pierre-Louis Bras.
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[…] … si ce départ n’est pas scandaleux sur le papier, […] les raisons du désamour que lui voue l’exécutif sont un secret de Polichinelle : durant les premiers mois de 2023, il n’a pas suffisamment soutenu le gouvernement lors du long mouvement social contre la réforme des retraites, pas particulièrement enthousiasmé par les arguments justifiant le recul de l’âge de départ légal de 62 à 64 ans.
Les syndicats, qui siègent au COR, ne se font pas prier pour souligner cette situation auprès de Médiapart.
- « Pour nous, le président du COR paye ses interventions et son honnêteté sur la réforme des retraites », dit Michel Beaugas, le négociateur en chef de Force ouvrière sur les questions d’emploi et de retraite.
- « La CGT dénonce une éviction-sanction envers une personnalité reconnue pour son expertise et son indépendance. Le gouvernement se venge de ses prises de parole critiques au printemps », […] Sophie Binet, a estimé que cet épisode « confirme la grave dérive autoritaire du pouvoir ».
- Pour la CFDT, le secrétaire général adjoint Yvan Ricordeau loue le travail de Pierre-Louis Bras : « La CFDT a apprécié travailler avec lui. Sous sa présidence, le COR a assuré ses missions : ce fut un lieu de consensus, qui a réussi cet équilibre entre exigence scientifique et exercice démocratique. »
C’est tôt dans la bataille des retraites que les positions gouvernementales se sont durcies contre [c]e haut fonctionnaire, […]
Le 19 janvier, jour de la première manifestation intersyndicale contre le projet du gouvernement, le dirigeant du COR était auditionné à l’Assemblée, par les commissions des finances et des affaires sociales. Quelques phrases prononcées à cette occasion ne lui ont jamais été pardonnées par le pouvoir. Comme il le faisait régulièrement depuis le printemps précédent, il avait rappelé que « les dépenses de retraite ne dérapent pas » et qu’« elles sont relativement maîtrisées ».
Propos repris le 4 février, devant le Sénat cette fois. Son argumentaire, simple, collait en tout point aux données rassemblées dans les rapports annuels du COR. […]
Dès le 23 janvier2023, lors de ses vœux à la presse, Élisabeth Borne avait mis en scène son agacement envers Pierre-Louis Bras, estimant qu’il était « peut-être » amené à avoir « une position assez personnelle sur les travaux » de son institution. Dans Le Parisien du 9 avril, elle avait insisté, lui reprochant d’avoir « brouillé les esprits » sur le report à 64 ans.
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Une charge surprenante contre une institution indépendante justement pensée pour rassembler tous les avis sur l’évolution des régimes de retraites, et les présenter de la manière la plus complète et scientifique possible.
Créée en 2000, elle est chargée de tracer les perspectives financières à moyen et à long terme des différents régimes, et est composée de manière très diverse, ses 42 membres étant des parlementaires, des représentant-e-s des administrations, des syndicats, du patronat et des expert-e-s de la question.
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Inquiétudes sur la succession
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Dans les heures suivant l’annonce de son départ, les hommages se sont multipliés pour saluer la personnalité et le rôle de Pierre-Louis Bras. […] [Il] était très apprécié. […]
Désormais, sa succession inquiète. « Le message politique du gouvernement est clair : ils veulent un COR aux ordres, au service d’une réforme dont personne ne veut », cingle un membre de l’institution.
[…] Parmi les personnalités approchées pour prendre la suite, figure Éric Aubry. Actuellement conseiller spécial de Gérard Larcher, le président LR du Sénat, il a surtout été membre du cabinet de François Fillon à Matignon, entre 2007 et 2012. À ce titre, il avait été l’un des principaux artisans de la réforme de 2010, qui avait reporté de 60 à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite.
Dan Israel. Mediapart. Source (extraits)
Entre eux , ils font leur tambouille et nous » empoisonnent » la vie !