Dans la commune du Muy, c’est une histoire de vignobles qui fait jaser : les vignes AOC centenaires des époux Terrier vont être arrachées pour laisser place à … une prison.
Un projet qui, selon la famille, cache en réalité des petits arrangements économiques locaux.
Deux plaintes pour prise illégale d’intérêts, trafic d’influence et prise de participation illégale se trouvent désormais entre les mains d’un juge d’instruction. Le projet d’implantation d’une prison au Muy voit le jour en 2017. La communauté d’agglo, Dracénie Provence Verdon Agglomération, ainsi que l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (Apij) entament alors des discussions.
En 2021, Pierre Terrier apprend par la presse que le projet a été entériné. Son exploitation et celle d’un voisin vont donc disparaître sous le béton d’une prison accueillant 650 détenus sur 15 ha. Sympa de prévenir !
Terrier est d’autant plus en colère que, tout à côté de ses vignes, des terrains sont en friche. Est-ce que ce ne serait pas plus malin de bétonner là ? La mairie et l’Apij font la sourde oreille.
Pourquoi ? Selon la famille Terrier, le choix d’implanter la taule chez eux plutôt que sur les friches voisines favorise, en réalité, des intérêts privés qu’appuient certains pouvoirs publics locaux. La communauté d’agglo, dont Le Muy fait partie, veut devenir « un poumon économique d’avenir » accueillant entreprises et commerces. Le plan local d’urbanisme (PLU) prévoit une « zone économique » qui laisse espérer aux proprios des terrains des opérations financières autrement juteuses que l’installation d’une simple prison.
Les raisins de la colère
En fouillant dans les relevés hypothécaires, les vignerons découvrent que les friches appartiennent à deux sociétés, Hortifrance et Riviera Plants Company, propriétés d’Alain Samson, pédégé de Samfi-Invest et de Malherbe, un groupe immobilier affichant 420 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Pour diriger ces boîtes, l’homme d’affaires a recruté un certain Frédéric Rannou en septembre 2020.
Jusqu’ici, ce dernier était directeur général adjoint… de la communauté d’agglo chargé du pôle développement économique, de l’aménagement et du patrimoine.
Selon Emmanuel Molina, l’avocat des Terrier, Rannou a « participé à tous les stades de l’élaboration du projet », du PLU au choix du lieu d’implantation du centre pénitentiaire, « dans le but d’éviter que ce dernier ne soit construit sur des parcelles qui lui appartiennent ».
Un rôle attesté par l’ex-directeur du conseil de développement de la Dracénie, qui, dans un courrier datant du 10 février 2020, évoque les « lumières indispensables de Frédéric Rannou » dans le schéma d’orientation du territoire.
« Je ne tolère pas qu’on utilise la collectivité pour y faire ses affaires », assure aujourd’hui Richard Strambio, maire de Draguignan et patron de la communauté d’agglo.
- En août 2022, l’édile a déposé une plainte.
- En février 2023, les Terrier lui ont emboîté le pas.
Frédéric Rannou, qui n’a pas répondu au « Canard », a, pour sa part, démissionné de Hortifrance et de Riviera Plants le 1ᵉʳ juin 2022. Aujourd’hui, il dirige sa propre société de promotion immobilière.
En attendant, le projet pénitentiaire avance. Le 12 juillet 2023, la préfecture du Var a publié un arrêté qui prévoit, comme préalable aux travaux, cinq ans « d’études et de diagnostics » sur les terres viticoles.
Pour savoir si les détenus aiment le rosé peut-etre ?
Marine Babonneau. Le Canard enchaîné. 18/10/2023
Notre pays est pourri jusqu’à la moelle, on ne respecte plus rien, même pas le rosé