« Le ton a changé ! ». « L’autoroute va se faire. L’État est déterminé à faire aboutir ce projet. Ce n’est pas un entêtement de l’État, c’est le respect de la règle du droit. » Fini les prudences d’expression, les « riens de définitif », les confidences sur les doutes du ministre sur le projet.
« Cette autoroute est emblématique d’un mode de décision hérité du passé, qui ne permet pas de construire la résilience et la décarbonation du futur dont nous avons besoin », a pourtant déclaré dans nos colonnes Valérie Masson-Delmotte, climatologue reconnue par ses pairs au sein du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et membre du Haut Conseil pour le climat, cette instance créée par Emmanuel Macron pour évaluer les politiques publiques.
Cinquante-quatre kilomètres de route, en deux fois deux voies à travers champs, vignes, fermes, forêts, prairies, vergers, espaces naturels protégés et en partie en zone inondable : ce vieux projet conçu dans les années 1990 a de quoi faire dresser les cheveux sur les têtes écologistes. Au total, ce sont 366 hectares – l’équivalent de cinq cents terrains de foot – qui doivent être artificialisés.
Valérie Masson-Delmotte n’est pas la seule chercheuse à sortir de sa réserve contre ce projet. Deux mille scientifiques ont cosigné une lettre ouverte au président de la République l’appelant à y « renoncer » : « Nous admettons qu’en dépit des impacts environnementaux que toute nouvelle infrastructure peut avoir, certains projets restent nécessaires. Mais pas celui-ci. »
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L’opposition à l’autoroute a atteint un paroxysme début septembre, avec la grève de la faim de plusieurs opposant-e-s, révolté-e-s par l’abattage de centaines d’arbres le long du tracé de la route. […]
Officiellement, l’exécutif se retranche derrière la volonté des élus locaux, tous « favorables au projet », comme le symbolise une lettre de 900 élu-e-s tarnais-e-s soutenant le projet. Et insiste : « La parole d’un militant, on ne peut pas la mettre sur le même plan que la parole d’un élu. »
Enquête publique en 2016, déclaration d’utilité publique en 2018 signée par Nicolas Hulot, choix du groupement Atosca en 2021, signature du décret de concession en 2022 : toutes les étapes administratives ont été franchies. Le recours déposé en juin contre l’autorisation environnementale de l’autoroute ne sera pas jugé avant dix-huit mois par le tribunal administratif de Toulouse, et il n’est pas suspensif. La justice a auparavant rejeté les trois référés des opposant-e-s.
Mais la présidence d’Emmanuel Macron a déjà abandonné deux projets tout aussi avancés : l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes il y a cinq ans et le centre de commerce et de loisirs Europacity l’année suivante. Pourquoi s’entêter sur l’A69 ? […]
Lobbying gagant !
Le groupe pharmaceutique Pierre Fabre, premier employeur du Tarn et puissance industrielle locale, est à l’origine du projet d’autoroute. […]
En 2006, Pierre-Yves Revol, à l’époque dirigeant du groupe dont il préside aujourd’hui la fondation, soulignait dans La Dépêche du Midi « l’implication farouche de Pierre Fabre dans ce dossier » et expliquait que ce dernier arpentait tous « les salons et même les antichambres des ministères pour faire progresser ce dossier d’intérêt général ». Dans cet article, on peut lire également que « c’est au cours d’un déjeuner avec le ministre des transports, Dominique Perben [sous la présidence de Jacques Chirac – ndlr], et Jacques Barrot, commissaire européen aux transports, que Pierre Fabre a obtenu l’accord de l’État pour un recours à une concession afin d’aménager en 2×2 voies la liaison Verfeil-Castres ».
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Pauline Graulle, Jade Lindgaard et Emmanuel Riondé. Mediapart. Source (très courts extraits)
C’est vrai qu’à Castres, nous sommes un peu « encastrés » mais une 2*2 voies suffirait surtout si elle était gratuite parce que là franchement ils abusent. en dehors des considérations écologiques bien sûr.