La gaffe…

... qui peut assécher les bénéfices de Veolia

Le plus gros contrat aquatique d’Europe 4,2 milliards d’euros — va-t-il couler son détenteur, Veolia ?

L’hypothèse, en tout cas, fait frémir sa direction, la production et la distribution de la flotte de 135 communes, regroupées au sein du Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif), sont contrôlées depuis… un siècle par le groupe, autrefois nommé « Générale des eaux ».

À l’origine de la perte possible de ce marché géant, une incroyable boulette, signalée en juillet par « Marianne ». Une partie des fichiers de l’appel d’offres pour le renouvellement du contrat, en effet, a fuité. À la suite d’un bug informatique, plus de 500 documents, certains présentés par Suez — unique concurrent de Veolia, selon les infos du « Canard » — ont atterri chez son rival au début d’avril dernier.

Est-ce que l’eau paiera ?

Qu’en a fait le tenant du titre ? Comme l’a souligné le rapport d’un expert mandaté par le Sedif, plusieurs de ses cadres (au moins cinq) ont téléchargé, copié-collé, renommé et imprimé les pièces du rival. Le Sedif n’a été prévenu de la fuite qu’une semaine plus tard. La faute, indique-t-on chez Veolia, au week-end de Pâques, qui aurait tout retardé. Un week-end à rallonge : Suez, « victime » présumée, n’a été informé que quinze jours plus tard

Dans ce cas de figure, le Code de la commande publique (articles 2141-7 à 11) prévoit la mise hors jeu de l’opérateur fautif. A Suez, donc, le juteux contrat ? Pas du tout, argue Veolia, qui dégaine la « jurisprudence Transdev » du Conseil d’État (« Les Echos », 16/10) ­un cas similaire dans un marché de transports publics où une fuite de documents (via une clé USB égarée) n’avait pas empêché la poursuite de l’appel d’offres.

Il est vrai que l’affaire était beaucoup plus avancée que dans le cas du Sedif (800 questions encore en suspens). André Santini, 82 ans, maire (UDI) d’Issy-les-Moulineaux depuis quarante-trois ans et patron du Sedif depuis quarante, va-t-il utiliser cet arrêt Transdev pour remettre en selle Veolia, dont il est un grand admirateur ?

Deux réunions du bureau du Syndicat doivent, d’ici à la fin de l’année, éclaircir le tableau. Seule certitude : les usagers n’auront pas à subir de coupures d’eau.

C’est le vainqueur de ce contrat titanesque qui empochera les grosses coupures.


Article signé des initiales J.-F. J. Le Canard enchaîné. 18/11/2023


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