En profiter…

Apprendre aux stagiaires l’entreprise…

Dans une offre déposée le 5 septembre sur le réseau social Linkedln, le parfumeur — propriété de LVMH — se présente en termes fleuris : « Depuis 1828, les quatre métiers d’Art de la beauté Guerlain (…) sont pleinement tournés vers une quête et un engagement : ceux de créer en toute Beauté, et de transmettre un monde plus beau. Nos talents dans le monde sont des alchimistes. »

Comment ne pas vouloir bosser pour une boîte pareille ?

Ça tombe bien, Guerlain recherche une flopée d’étudiants de niveau bac + 2 ou bac + 3 « avec une spécialité cosmétique et/ou produits parfumants, ou en formation en école de commerce (et équivalent) », pour accompagner ses conseillers de vente dans ses boutiques.

Parmi les « missions » attendant les futurs stagiaires : « assurer l’accueil des clients », leur proposer « les différents services offerts par la Maison », « veiller à la mise en avant des produits en adéquation avec la politique merchandising », ou encore « préparer les paquets cadeaux et les personnalisations produits pour [les] clients ».

Il va de soi que les heureux élus, « de nature souriante et dynamique », devront « savoir gérer avec rigueur [leurs] priorités et différentes tâches simultanément, de façon toujours proactive et engagée ».

Et combien toucheront-ils pour assurer tout ce labeur ? Eh bien, rien. Rien du tout. Il s’agit de stages… « non rémunérés, pour une durée de six semaines ». Laquelle n’a rien à voir, évidemment, avec le fait que le versement d’une gratification aux stagiaires étudiants n’est obligatoire que lorsque leur présence dans l’entreprise est supérieure à huit semaines…

En deçà, la gratification, facultative, ne dépend que du bon vouloir de l’employeur. Chez Guerlain, on a tranché : « transmettre un monde plus beau » rime avec « rémunération zéro ». Au moins, les stagiaires sont au parfum.

L’apprentissage de l’exploitation future !

La boîte de Bernard Arnault n’est pas la seule à s’engouffrer dans la brèche de l’exploitation en toute légalité des stagiaires : les propositions de boulot de moins de deux mois non rémunérés pullulent sur les sites d’offres d’emploi.

Comme sur la plateforme SimplyHired, où la Fnac de Caen recrute, « pour quatre à huit semaines », un jeune « disponible le week-end » chargé de l’« accueil, orientation client, fidélisation, vente conseil ». La réalisation de « l’ensemble des tâches du métier (de libraire) » vaut bien zéro kopeck !

Une façon, sans doute, de valoriser la profession.

Quant à la société de production Be Aware, créée par le célèbre animateur Sébastien Cauet, elle recherche, sur le site Indeed, un(e) stagiaire dispo « entre 15 heures et 21 heures » pour assister un réalisateur « dans le cadre de la production d’une émission pour la radio NRJ ». Il s’agit d’un « stage de deux mois non rémunéré, avec possibilité de prolonger sur six mois de stage qui seront rémunérés ». La grande classe !

« Beaucoup d’étudiants ont besoin de faire des stages durant l’été ou lors d’autres vacances scolaires et font face à des employeurs qui leur proposent de travailler gratuitement, déplore la syndicaliste étudiante Hania Hamidi, secrétaire générale de l’Union nationale des étudiants de France. Nous demandons que les stages étudiants soient rémunérés dès le premier jour de travail. » Quel culot !

Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, serait-il prêt à faire sienne cette revendication ? Contactés, ses conseillers n’ont pas réagi.

Ils sont en stage ?


Clara Bamberger.  Le Canard Enchainé. 11/10/2023


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