Alors que les droits de diffusion télé du foot français pour la période 2024-2029 viennent d’être mis en vente (montant annuel visé : 1 milliard d’euros), la Ligue de football professionnel (LFP), qui régit les première et deuxième divisions, doit se dépatouiller avec un autre dossier enquiquinant.
L’affaire remonte à la fin de 2020. Tandis que le foot français, exsangue, menace de s’effondrer après la débandade du diffuseur Mediapro, Vincent Labrune, le président de la Ligue, part faire la quête auprès d’investisseurs privés.
Seize mois plus tard, le fonds de pension CVC Capital Partners – l’un des 10 plus importants du monde – allonge la modique somme de 1,5 milliard d’euros.
En échange de quoi les as de la finance s’emparent de 13 % de la société commerciale de la LFP.
Les critères de répartition du trésor entre les clubs sont notamment calculés en fonction de la notoriété de chacun. Si le PSG palpe 200 millions et le FC Metz 16,5, Le Havre Athletic Club (HAC), qui a accédé cet été à la Ligue 1, n’empoche « que » 1,5 million. Or il aurait reçu deux fois plus s’il était resté en Ligue 2 !
Fameux, le mode de calcul…
En Normandie, on digère mal l’aumône. Jean-Michel Roussier, le président du HAC, multiplie les courriers pour réclamer son dû à la Ligue et menace de saisir la justice. Il estime que son club aurait dû toucher « 16,5 millions », ce qui n’est pas rien sur un budget de 30. Il s’étonne notamment que le HAC encaisse finalement moins d’argent que les dirigeants de la Ligue, censés défendre ses intérêts.
Car, dans l’opération CVC, quatre cadres de la LFP ne se sont pas oubliés, qui ont palpé de savoureux bonus : 3 millions pour Labrune, 1 million pour le directeur général, Arnaud Rouger, et un demi-million pour d’autres cadres (« L’Equipe », 10/11/22). Ces sommes ont été piochées dans l’enveloppe prévue pour les banquiers d’affaires (dont le médiatique Matthieu Pigasse) et les cabinets d’avocats, à la manoeuvre lors de la transaction avec CVC : au total, 37,5 millions ont servi à rémunérer tout ce petit monde.
Du fric ami-ami
« À aucun moment l’argent des bonus n’a réduit la somme donnée aux clubs », s’étrangle le bien servi Labrune auprès du « Canard ». Il assume le montant de son bonus, qui s’ajoute à son salaire de 1,2 million d’euros annuel. « Moi, je ne suis pas un philanthrope, répond-il. Ce que j’aurais trouvé cocasse, c’est que tous les acteurs du monde du foot touchent, et pas les dirigeants qui ont porté le projet. »
Les bonus ont été votés à l’unanimité par les 25 membres du conseil d’administration de la Ligue le 30 septembre 2022, après la présentation d’un rapport commandé à un cabinet de ressources humaines parisien… avec le concours d’un certain Marc Sénéchal, entremetteur spécialiste des fusions maousses, mandaté par le patron de la Ligue lui-même.
Et l’ambiance est au beau fixe : les deux « amis », dixit Labrune, s’entendent si bien que le dirigeant de la LFP figure aujourd’hui (bénévolement) au conseil d’administration de Madeleines Bijou, entreprise « de tradition pâtissière » établie à Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne), sur laquelle règne la famille Sénéchal.
La cerise sur le gâteau ?
Paul Leclerc. Le Canard Enchainé. 11/10/2023
Dire que le Foot est le sport qui draine le plus, la population populaire-ouvrière. Certains spectateurs vont jusqu’à restreindre la famille de nourriture, d’habillements, de loisirs pour s’offrir un abonnement au stade voir leur équipe favorite ; alors que d’autres à commencer par les joueurs se font rémunérer de fort belles manières… Et puis ne parlons plus de sport populaire, l’argent a tout corrompu. MC