La balance commerciale française plombée de 1 milliard d’euros par un moucheron.
Avec ses antennes couvertes de poils bruns, ses ailes larges et tachetées et sa taille n’excédant pas 3 mm, la bestiole menace les exportations de broutards vers l’Italie, un juteux débouché de la filière bovine tricolore. Le moucheron piqueur vient en effet, pour la première fois, de refiler le virus de la maladie hémorragique épizootique à des bovins français.
Une cochonnerie qui provoque chez les pauvres bêtes fièvre, anorexie, boiteries et détresse respiratoire. Et, comme il n’existe ni remède ni vaccin, les éleveurs du Sud-Ouest, où ont été déclarés les premiers foyers, n’ont plus le droit d’exporter leurs bestiaux. Merci à la mondialisation et au réchauffement climatique.
Originaire d’Amérique, le virus s’est répandu au gré des voyages en bateau du moucheron, en Asie, en Australie, en Afrique. Et, l’année dernière, après avoir traversé la Méditerranée, il s’est installé en Sardaigne, profitant de la hausse des températures.
Seule bonne nouvelle, la maladie n’est pour le moment pas transmissible à l’homme.
L’occasion de mettre le doigt sur un particularisme gaulois : la transhumance transalpine de nos broutards.
Chaque année, plus de 800 000 jeunes bovins tout juste sevrés prennent la direction de la plaine du Pô, où ils sont engraissés dans des étables géantes en mode accéléré, avec des rations de maïs. Vers 16 mois, ils partent à l’abattoir, pour finir sur les étals comme viande de taurillon, dont raffolent les Italiens. Alors qu’en France on a pris l’habitude de consommer de la vieille vache plutôt que du jeune bovin engraissé.
Pourquoi ce goût prononcé pour la carne ?
Pour satisfaire ses besoins, l’industrie laitière entretient un troupeau démesuré de 3,7 millions de vaches, qu’il faut bien recycler dans nos assiettes quand elles ne donnent plus assez de lait, passé dix ans de service.
Résultat des courses : une grosse partie du bœuf consommé par les Français est en fait de la laitière de réforme. Un tiers desdites vaches sont expédiées telles quelles à l’abattoir, pour être transformées en « minerai de viande » à destination de l’industrie agroalimentaire. Le reste est requinqué plusieurs semaines, afin de rendre la carcasse plus présentable.
Jean Luc Porquet. Le Canard Enchainé. 04/10/2023
- « 60 Millions de consommateurs ». Oct 2023