Les tarifs des péages sont-ils appelés à augmenter pour compenser la taxe que les sociétés d’autoroutes vont devoir acquitter, selon le projet de budget 2024 ?
Pierre Coppey, le patron de Vinci Autoroutes, est formel : « Une hausse des taxes, c’est inévitablement une hausse des péages. » Clément Beaune, le ministre des Transports, est tout aussi formel, mais dans l’autre sens : la taxe « ne se répercutera pas sur les prix des péages payés par les automobilistes ».
Et d’enfoncer le clou : « C’est juridiquement prévu comme ça. » En effet, les autoroutiers n’ont le droit d’augmenter les péages au-delà de la formule automatique que dans un seul cas : lorsqu’il s’agit de compenser une hausse de fiscalité « spécifique », c’est-à-dire ne concernant qu’eux. Ce n’est pas le cas ici, jure le gouvernement, puisque la nouvelle taxe s’appliquera à l’ensemble des « infrastructures de transport de longue distance ».
Mais il y a un os : dans un avis du 8 juin, le Conseil d’État a plombé cet argumentaire.
L’institution indique en effet avoir été consultée par le gouvernement sur la « possibilité pour le législateur de créer une contribution spécifique (…) de telle manière que cette contribution serait principalement due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes ». Elle précise encore que l’État souhaite « éviter que l’effet des mesures envisagées ne soit neutralisé par le mécanisme de compensation de hausse de fiscalité spécifique aux sociétés concessionnaires d’autoroutes ».
On ne saurait être plus clair : une astuce a bien été cherchée pour contourner les contrats de concession.
La solution ? Habiller en loi générale une mesure ciblant essentiellement les sociétés d’autoroutes. La nouvelle taxe, de 600 millions, sera payée par elles à hauteur de 85 %, pour moins de 15 % par Paris Aéroport (Roissy et Orly) et pour moins de 10 millions (1 %) par trois aéroports de moindre importance (Lyon, Marseille et Nice).
Charcutage réglementaire
Pour parvenir à cette brillante répartition, le ministère de Clément Beaune s’est livré à un curieux charcutage, bricolant, pour les besoins de la cause, des « critères » que le Conseil d’État souhaitait « objectifs et rationnels ». Pourquoi de « grandes infrastructures de transport » — tels la SNCF, les grands ports (Le Havre et Marseille), la Compagnie nationale du Rhône, la RATP, etc — ne sont-elles pas assujetties à la nouvelle taxe ?
Interrogé par « Le Canard enchaîné », le ministère des Transports répond.
La SNCF ? « Sa rentabilité est inférieure aux 10 % fixés par la loi. » Les grands ports ? « Leur chiffre d’affaires n’atteint pas un plancher de 120 millions. » À noter qu’il y a une semaine encore le ministère envisageait de fixer le plancher de taxation à 100 millions de chiffres d’affaires.
Et la RATP ? Trop locale.
Bref, grâce à ces critères taillés sur mesure, la majorité des « grandes infrastructures de transport » ne sont pas concernées par le nouvel impôt.
Mieux : les aéroports seront autorisés à répercuter la taxe sur leurs clients, c’est-à-dire qu’elle ne leur coûtera rien.
En revanche, les autoroutiers devraient casquer plus de 500 millions par an plein pot, sans possibilité d’augmenter leurs tarifs. Or le Conseil d’État, lui, avait prévenu : toute nouvelle contribution qui aura pour effet pratique de peser quasi exclusivement sur les sociétés d’autoroutes pourra autoriser l’augmentation des péages. À bon entendeur…
Hervé Martin. Le canard Enchainé. 04/10/2023
Macron Borne Le Maire tous 3 énarques ne pouvaient ignorer ce que les énarques du conseil d’état allaient dire. Donc ils nous prennent pour des idiots car il savent très bien que la taxe sera répercutée sur les paiages, simplement ils diront que ce n’est pas leur faute. Mais le résultat sera bien là : nous paierons des taxes supplémentaires.