Une éviction historique…

… sur fond de querelle fratricide

C’est une première en presque 250 ans d’histoire des États-Unis : le chef (républicain) de la Chambre des représentants, Revin McCarthy, a été destitué mardi soir.

  • Comment McCarthy a-t-il été « viré » ?

Il n’aura pas passé l’hiver : élu en janvier au terme de 15 tours de scrutin, dans un climat de. quasi-paralysie institutionnelle, Revin McCarthy a été évincé de son poste de « speaker » de la Chambre des représentants pourtant à majorité républicaine. Un tel vote n’avait pas eu lieu depuis 1910 aux États-Unis, et n’avait jamais abouti à l’éviction du speaker. Jusqu’à ce mardi : aux 208 voix démocrates se sont ajoutés 8 républicains ultra-conservateurs, face à « seulement » 210 républicains vo­tant pour maintenir McCarthy. « C’est une nouvelle preuve, après la prise du Capitole le 6 janvier 2021, de l’emprise d’une frange extrémiste, fascisante, sur le parti républicain », constate la chercheuse Marie-Cécile Naves, spécialiste de la politique américaine.

  • Quel rapport avec le « shutdown » ?

Dans la nuit du 30 septembre au e octobre, les États-Unis ont à nouveau évité un « shutdown » in extremis — nom donné à la mise à l’arrêt du pays faute d’accord au Congrès sur une « rallonge » budgétaire. Pour être élu, Revin McCarthy avait accepté d’énormesconcessions avec la vingtaine de représentants trumpistes. Comme, rappelle Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas « la possibilité de réclamer un nouveau vote » à tout moment. La demande est venue de son propre camp, avec une demande du trumpiste Matt Gaetz après l’accord sur le shutdown : « L’accord bipartisan conclu avec les démocrates a été la goutte d’eau », selon Marie-Cécile Naves.

  • Et le rapport avec l’Ukraine ?

La poursuite de l’aide à l’Ukraine via « un accord secret » a largement alimenté les discussions sur le risque de shutdown — et la responsabilité de McCarthy. « Un prétexte », selon Jean-Éric Branaa, qui détaille : « Matt Gaetz dit qu’il demandait des efforts sur le déficit budgétaire, une enquête visant à la destitution de Joe Biden et l’arrêt de l’aide à l’Ukraine. » Des points déjà obtenus parfois plusieurs jours avant le vote de mardi… « L’Ukraine n’est qu’un prétexte à une manœuvre purement politicienne. D’autant plus que les aides sont votées par des lois séparées pas dans le budget global », rappelle le chercheur.

  • Qui pour succéder à McCarthy ?

Dès la semaine prochaine, les membres de la Chambre des représentants vont tenter de trou­ver un successeur à McCarthy. « Mais après ce qui vient de se passer, qui va vouloir y aller ? » se demande Marie-Cécile Naves. « Les républicains ont la majorité à la Chambre, mais on voit qu’ils n’arrivent pas à trouver quelqu’un qui les rassemble tous : qui sera capable de faire mieux que McCarthy ? » Pour Jean-Éric Branaa, Tom Emnier – actuel n°3 de la Chambre — est favori.

Revin McCarthy ne se représentera pas — même s’il en a le droit — et le futur speaker ne sera pas démocrate, malgré les dissensions républicaines. « Aucun élu républicain ne votera pour un candidat démocrate, les votes ne sont pas secrets. Dans le bipartisme américain, chacun reste dans son camp. »


Joël Carassio. Le Dauphiné Libéré.05/10/2023


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