Raisons des querelles franco-marocaine

Depuis janvier, le royaume chérifien n’a plus d’ambassadeur dans l’Hexagone.

Querelles médiatisées certes, mais en dehors de la façade des intérêts communs existent. MC


Assiste-t-on à une irrémédiable dégradation des relations entre la France et le Maroc ? […] Avant de répondre à cette question, un constat s’impose : M. Emmanuel Macron n’est pas le bienvenu dans le royaume chérifien.

Le 16 septembre 2023, l’agence de presse marocaine officielle Maghreb Arabe Presse (MAP) publiait ainsi un communiqué annonçant qu’une visite du président français n’était « ni à l’ordre du jour ni programmée ». Cette mise au point lapidaire survenait quelques heures après que la ministre des affaires étrangères française, Mme Catherine Colonna, eut déclaré que M. Macron comptait se rendre bientôt au Maroc.

Avant cela, les autorités de Rabat ne cachaient déjà pas leur irritation, le locataire de l’Élysée s’étant adressé directement aux Marocains via une vidéo diffusée sur le réseau X (ex-Twitter) pour leur exprimer sa solidarité et celle de son pays (12 septembre 2023).

Pour nombre de responsables, il s’agissait là d’un acte de condescendance à l’égard d’un État souverain « coupable » d’avoir snobé la main tendue française — de même que les offres venues de près de quarante autres capitales — pour ne retenir que les secours proposés par les Émirats arabes unis, l’Espagne, le Qatar et le Royaume-Uni.

Cette polémique n’a fait que renforcer un malaise déjà palpable entre les deux pays. En effet, les relations entre Rabat et Paris se sont dégradées depuis la reconnaissance par les États-Unis de la marocanité du Sahara occidental en décembre 2020.

Le ministre des affaires étrangères, M. Nasser Bourita, s’était alors empressé de sommer les alliés occidentaux de son pays de s’aligner sur la position américaine. En août 2022, le souverain Mohammed VI réitérait cette exigence lors d’un discours : « Dorénavant, l’affaire du Sahara est l’unique prisme à travers lequel le royaume du Maroc organise ses alliances. Elle est l’unique baromètre pour fixer ses amitiés et ses partenariats ».

M. Bourita adressa fermement la même demande à Mme Colonna à Rabat lors d’une visite en décembre 2022, alors même que la restauration par Paris d’une « relation consulaire normale » dans le cadre de la délivrance des visas aux Marocains — un autre contentieux bilatéral — présageait un apaisement.

En apparence, Rabat reproche à Paris de ne pas se conformer à ses injonctions à propos du Sahara occidental, sur lequel le Maroc revendique la souveraineté (1). Mais ce grief repose sur une autre motivation.

En effet, le virage de la diplomatie américaine décidé sans crier gare par le président Donald Trump fut le fruit d’un donnant-donnant à haut risque pour la monarchie. En contrepartie de la volte-face de Washington — jusque-là favorable à une solution sous l’égide des Nations unies —, Rabat a accepté de normaliser ses relations avec Tel-Aviv. Avec la perspective évidente de s’aliéner une opinion publique majoritairement pro-palestinienne.

Malgré une campagne médiatique massive sur les avantages d’un tel rapprochement, 67 % des Marocains se déclaraient opposés au tatbi’ (la normalisation) en 2022 (2).

Une reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par Paris aurait sans doute aidé à faire passer la pilule en démontrant que le bénéfice pour le Maroc était à la hauteur du geste consenti à l’égard d’Israël.

Même si Paris n’a pas suivi Washington, […] … [ce d’autant qu’une] évolution de la position américaine après la reconnaissance par l’administration Trump [en faveur de la reconnaissance du Maroc sur le Sahara occidental est survenue des l’]entré en fonctions en janvier 2021, du président Joseph Biden […] réaffirmant son soutien au processus onusien, dont la pierre angulaire, l’autodétermination des populations concernées, est systématiquement inscrite dans les résolutions annuelles votées par le Conseil de sécurité pour renouveler le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso).

[…]

Il y a d’autres exemples du traitement différencié que le Maroc réserve à la France d’un côté, aux États-Unis et à l’Espagne de l’autre. Ainsi, la presse proche du régime a fait grand cas du soutien des élus macronistes à la résolution du Parlement européen du 19 janvier 2023 condamnant le Maroc pour ses violations de la liberté de la presse (3). Depuis cette date, le royaume n’a plus d’ambassadeur en France, […]

[…]


Note : l’article fort documenté poursuit sur d’autres divergences entre les deux États. Nous vous invitons à consulter l’intégralité de l’article. MC


Aboubakr Jamaï. Le Monde Diplomatique. Source (Courts extraits) https://www.monde-diplomatique.fr/2023/10/JAMAI/66190


  1. Lire Réda Zaïreg, « Consensus marocain sur le Sahara », dans Manière de voir, n° 181, « Le Maghreb en danger… », février-mars 2022.
  2. Arab Opinion Index 2022, janvier 2023.
  3. « Résolution du Parlement européen du 19 janvier 2023 sur la situation des journalistes au Maroc, en particulier le cas d’Omar Radi », Journal officiel de l’Union européenne, Luxembourg, 19 janvier 2023.
  4. « France-Maroc. Les relations économiques impactées par la crise politique », 21 juin 2023.

Une réflexion sur “Raisons des querelles franco-marocaine

  1. Bernard Dominik 02/10/2023 / 14h01

    Et puis il y a les « non dit » comme cette vidéo qui montre Mohamed VI saoul dans une rue de Paris, et que le gouvernement français n’a pas fait saisir. Dans l’affaire du Sahara occidental il faut choisir entre le Maroc ou l’Algérie, et utiliser la menace n’est pas acceptable.

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