Les entreprises ont des comptes à rendre

Marylise Léon à la tête de la CFDT donne l’avis de son syndicat sur des questions sociétales

  • Après les mobilisations contre la réforme des retraites, à quoi sert l’intersyndicale ?

Nos organisations sont différentes. Mais après avoir été contre, l’idée est désormais de produire du positif pour les travailleurs, de donner des perspectives, de nouveaux droits. L’égalité salariale femmes-hommes nous rassemble. Les salaires, l’augmentation du pouvoir d’achat, bien sûr aussi, tout de suite. On doit aller chercher les employeurs sur le sujet. Et nous ne pouvons pas connaître en 2024 une année blanche pour les salaires des fonctionnaires.

  • Les salaires, est-ce l’enjeu de la Journée européenne de mobilisation du 13 octobre 2023?

Oui. Mais le 13 octobre s’inscrit dans le cadre d’un appel de la Confédération européenne des syndicats (CES), dont la plupart de nos organisations font partie. À quelques mois des élections européennes, le message est clair : l’Europe doit d’abord être une Europe sociale.

  • Le gouvernement ouvre de nombreux chantiers sociaux…

Il y a de l’affichage. Maintenant, il faut rentrer dans le concret. Dans les cortèges de début d’année, les militants parlaient des retraites, mais aussi des conditions de travail, des rémunérations, de la situation dans les hôpitaux, à l’éducation nationale… Ces préoccupations ne se sont pas évaporées. Nous avons présenté nos conditions en termes de méthode. On n’est pas là pour faire une belle photo sur le perron de Matignon.

  • Avez-vous des détails sur la conférence sociale sur les bas salaires ?

L’idée a surgi dans l’actualité et est un peu retombée depuis. La priorité, pour nous, ce sont les salaires. […]

Les citoyens n’acceptent plus que l’argent public soit attribué sans aucune évaluation, ni transparence sur son utilisation. Les entreprises ont des comptes à rendre. Et il faut que les dispositifs de partage de la valeur soient accessibles ; beaucoup d’entreprises de moins de 50 salariés n’en ont aucun.

  • Les ordonnances Macron de 2017 réformant le Code du travail ont-elles tué le dialogue social ?

La question des moyens donnés aux élus du personnel est un vrai sujet, comme celle de l’absence des élus de proximité et de CHSCT dans les petites entreprises. Il faut aussi renforcer les capacités de négociation des organisations syndicales. Nous demandons en intersyndicale la révision des ordonnances Macron. Les représentants patronaux ne le veulent pas. Le gouvernement peut agir. Il l’a déjà fait par voie d’ordonnances.

  • Que pensez-vous de ce discours insidieux autour des négociations sur l’assurance-chômage ou le projet de loi Plein emploi, qui fait le distinguo entre ceux qui travaillent et ceux qui vivraient de l’« assistanat » ?

Nous combattons cette idée selon laquelle on peut être heureux et s’épanouir au chômage. Cette petite musique est déplorable. Nous sommes aussi farouchement opposés à la conditionnalité du RSA. Il s’agit d’un revenu de solidarité nationale. Il n’y a pas de condition à y mettre.

  • Concernant les négociations sur l’assurance-chômage, la lettre de cadrage du gouvernement ne rend-elle pas impossible un accord ?

Le cadrage est purement financier et extrêmement dur. Les organisations syndicales comme patronales le trouvent tout à fait discutable. C’est un moment clé. Sans accord, il est clair que le gouvernement va vouloir reprendre définitivement la main sur le régime, ce qui ne sera pas bon pour les demandeurs d’emploi qui ont subi les dernières réformes. Nous pensons que de nouveaux droits sont possibles. La lutte contre les contrats courts de moins d’un mois est une priorité. Leur nombre explose et 80 % d’entre eux sont de moins d’un jour ! Une autre priorité est de remettre en place les droits rechargeables.

  • Que faire des excédents des régimes de retraite complémentaire ?

Les excédents doivent servir à la revalorisation des pensions complémentaires des 13 millions de personnes concernées. Mais on attend que les organisations patronales sortent du bois.

  • Que pensez-vous du projet de loi Darmanin sur l’immigration qui propose de régulariser les travailleurs sans papiers dans les métiers « en tension » depuis au moins trois ans ?

Ces travailleurs cotisent à des prestations auxquelles ils n’ont pas accès. Il faut donc les régulariser. […] Il est inadmissible de laisser ces personnes travailler dans une telle précarité, alors que leurs employeurs sont parfaitement au courant de leur situation.

[…]


Propos recueillis par Stéphane Guérard. Source (Extraits)


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