La gauche a du mal à se faire entendre alors qu’une majorité de Français se reconnaît dans ses propositions.
Pourquoi a-t-elle perdu la bataille des idées et comment peut-elle la gagner ?
Le point de vue de François Ruffin : Tous les obstacles au bonheur doivent être levés. Ce sont parfois le genre ou les origines, parfois la classe ou le porte-monnaie. L’objectif de la gauche étant l’émancipation, le bonheur est le but à atteindre. La gauche peut gagner. Mais le veut-elle ?
C’est un peu comme si on disait aux Français : confiez-nous le paquebot France, avec une cale trouée, des récifs, une tempête climatique et sociale, une tempête géopolitique, un équipage pas très expérimenté et qui, en plus, est en train de s’écharper sur le pont.
Nous devons donner confiance aux Français. L’hégémonie culturelle est déjà largement là, sur les terrains économiques et sociaux. C’est la gauche qui est alignée avec les demandes populaires. Mais comment transformer cela en victoire politique ? J’ai vraiment la conviction qu’on peut gagner.
À la présidentielle et aux législatives, nous avons marqué des points, dans les cités, parmi la jeunesse éduquée et cultivée des centres-villes et dans les DOM-TOM. Mais nous avons des trous : chez les salariés qui gagnent entre 1 500 et 2 500 euros et dans une France qui vieillit. Et, surtout, dans les campagnes. C’est là qu’il faut regagner, sans perdre le reste.
Thomas Piketty et Julia Cagé l’écrivent noir sur blanc dans leur dernier livre : la gauche doit reconquérir les campagnes populaires. Mais avons-nous un diagnostic partagé sur le sujet ? Nous devons travailler fortement la question du travail. Tout le monde doit pouvoir vivre de son travail, bien en vivre et bien le vivre. La colère non transformée en espérance ne vient pas chez nous.
La question du travail doit être centrale, elle est un trait d’union entre la France des bourgs et la France des tours. La question du travail amène à un horizon, celui de faire-ensemble. Ensemble, résoudre le grand défi climatique. Lorsqu’on lutte ensemble, un certain nombre de barrières s’effacent. La question du travail et celle de l’écologie aident aussi à résoudre celle de la jonction des classes populaires et de la classe intermédiaire.
Oui la question du travail est essentielle. Il faut en revoir les conditions. Il faut revoir le rapport sécurité sociale complémentaires maladie, le statut des étudiants, baisser le coût de l’état, redéfinir les services publics en créant un Société nationale des transports publics qui prenne en charge la totalité du transport mais avec des règles compatibles avec un service public…etc Mais la gauche n’a pas compris la signification profonde du travail.