Nous progressons à vive allure.
Notre vert président, dont nous savons que le second quinquennat « sera écologique ou ne sera pas », ne cesse, pour la sauvegarde du climat, d’avancer dans ce « combat du siècle » qu’il mène à grands pas. Lui qui demandait encore, voici quelques mois « Qui aurait pu prévoir la crise climatique ? », prévoit désormais lui-même de la résorber. Au moins dans nos contrées, et sans tarder.
Qu’on se le dise « écologie à la française » est en marche rapide, et elle va encore accélérer
Comme l’a dit notre décarbonateur en chef à fond la caisse dans son allocution de vingt-six minutes à l’Elysée en lieu et place de son grand discours sur la planification écolo tant annoncé il n’y a pas de temps à perdre. Réduire de 55 % (par rapport à 1990) nos émissions de carbone d’ici à 2030, « cela suppose d’aller deux fois et demie plus vite sur la période 2022-2030 », donc de se remuer.
« Nous avons fait la moitié du chemin », s’est congratulé notre écolo de la République, et la seconde partie du chemin de la neutralité carbone pour 2050 « est atteignable ». Macron n’a pas précisé si c’était à pied, en avion ou en « bagnole », qu’il « adore ». Mais, si c’est en voiture électrique, il risque d’y avoir quelques ralentissements.
Pas parce que les 36 millions de bagnoles thermiques croiseront presque autant de bagnoles électriques censées les remplacer, mais parce que la mutation prendra un peu de temps. Le million de véhicules électriques made in France, ce sera pour 2027. Et, des quatre gigausines de batteries annoncées dans la « vallée de la batterie », seule une, à Douai, est déjà sortie de terre. Quant au leasing à 100 euros par mois de véhicules électriques pour les ménages modestes, ce sera pour 2024, avec « quelques dizaines de milliers de voitures seulement ». Le vieux diesel à la française fera encore un peu d’usage.
La chaudière à gaz également, car « nous avons décidé d’être plutôt sur une politique d’incitation ». Et, pour ce qui est d’inciter, Macron n’a pas lésiné. Après s’être vanté, dès sa première intervention dominicale, sur le mode « Brigitte et moi avons fait changer la chaudière de l’Elysée pour la remplacer par une pompe à chaleur », il en a rajouté, mardi, pour saluer ce « formidable objet de substitution ».
L’objet, malheureusement, n’est pas très made in France et pas donné, mais tout va changer. Nous allons en fabriquer 1 million, ce qui à la fois permettra des économies, contribuera à « créer de la valeur » et, comme la construction de « 13 RER métropolitains » et les usines de batteries précitées, fera « massivement travailler les Français ».
« C’est formidable », là encore ! L’écologie à la française, c’est le changement sans les contraintes mais avec, en plus, plein d’emplois qui feront tourner notre industrie. Le tout en réduisant notre dépendance aux énergies fossiles, avec le bannissement du charbon, tout en sondant le sous-sol pour y trouver du lithium pour nos batteries. Nous reprendrons aussi le « contrôle du prix de notre électricité ».
C’est cela, le chemin de la « transition juste », c’est-à-dire d’une écologie « souveraine », « accessible », « créatrice de valeur économique » et, en plus, « basée sur la science », pas punitive et « compétitive ».
En résumé, la décarbonation tranquille qu’à n’en pas douter l’Europe (même si elle a plusieurs fois rappelé la France à ses obligations à ce sujet) et le monde entier ne vont pas manquer de nous envier.
Brossée ainsi, cette planification est d’un joli vert, plus mobilisateur qu’anxiogène.
Sauf que les réalités de l’urgence climatique et du coût du financement de la transition écologique risquent évidemment de ternir, sinon de noircir, tous ces beaux tableaux Excel avant longtemps.
Erik Emptaz. Editorial du « Le Canard Enchainé » 27 sept 2023