… pour les finances de certains États dont la France !
Au moment où le gouvernement racle les fonds de tiroir pour trouver 16 milliards d’euros d’économies sur le budget, ça tombe plutôt mal : une partie de cette somme, en effet, risque d’être engloutie par deux nouvelles ponctions annoncées en toute discrétion, le 22 juin 2023, par la Commission européenne.
En 2020, en pleine épidémie de Covid, Bruxelles a accordé quelque 800 milliards aux pays de l’UE — moitié subventions, moitié prêts — pour les aider à relancer leur économie. La France n’a souscrit aucun prêt — elle emprunte moins cher sur les marchés que le taux proposé par la Commission —, mais elle devait recevoir une subvention « remboursable » de 40,3 milliards.
Taxe carbonisée
« Ce n’est pas le contribuable français qui paiera cette dette », avait assuré Macron sur TF1 le 21 juillet 2020. La Commission imaginait alors instaurer de nouvelles taxes, payables par les pays non européens — la plus importante étant la taxe carbone aux frontières, frappant les importations en provenance d’États peu regardants sur leurs émissions de gaz à effet de serre, Chine en tête. Montant annoncé de ce dernier pactole : 15 milliards d’euros par an.
Las ! après un lobbying forcené de l’Allemagne, la taxe carbone, décidée en mars 2022 par l’Union européenne, a rétréci et rapportera… moins d’un milliard par an !
Un malheur n’arrivant jamais seul, les taux d’intérêt européens ont été multipliés par huit en moins de deux ans, passant de 0,5 % à bientôt 4 %, ce qui gonfle d’autant les annuités de remboursement à la Commission. Celle-ci a donc décidé d’augmenter les contributions qu’elle réclame aux États.
À compter de 2024, ces derniers devront reverser 30 % de la taxation de quotas carbone, qu’ils gardaient jusqu’ici pour eux : 19 milliards d’euros par an, selon la Commission. Et chaque État devra aussi payer l’équivalent de 0,5 % du bénéfice d’exploitation de ses entreprises, soit, selon Bruxelles, 16 milliards. À compter de l’an prochain, les ponctions européennes vont ainsi augmenter de 35 milliards, soit près de trois milliards par an pour la France.
Le comble, c’est que Paris n’a pas encore touché l’intégralité de ses 40 milliards de subventions. Il lui faut au préalable prouver à Bruxelles que le pays réduit ses déficits, et ce, en présentant une loi de programmation des finances publiques (LPFP) jusqu’à 2027, dûment votée par le Parlement.
Or, à la fin de 2022, le Sénat a bien adopté ladite loi, mais l’Assemblée, elle, l’a rejetée. La gauche et l’extrême droite trouvaient que l’on réduisait trop les dépenses, les Républicains pas assez. Résultat ? La France, qui a déjà perçu 12,5 milliards, doit patienter pour obtenir les 27,8 milliards restants, qui lui seraient pourtant bien utiles pour boucler le budget 2024.
Jamais plus
Bercy assure « travaille[r] à remettre tout le monde devant ses responsabilités pour réunir une majorité ». Mais le gouvernement y croit si peu qu’il a inventé, comme l’a raconté « Le Canard » (9/8), une grosse astuce pour faire adopter la loi via l’article 49.3. Celui-ci ne peut être appliqué qu’une fois aux textes non budgétaires au cours d’une même session parlementaire.
Le gouvernement voulant se garder la possibilité de l’utiliser pour faire passer, par exemple, sa loi Immigration, il a concocté une session extraordinaire d’une semaine.
Les milliards européens valent bien un bidouillage sur le 49.3, auquel Elisabeth Borne avait pourtant promis, le 26 mars, qu’elle ne recourrait plus jamais, hors discussion budgétaire.

Hervé Martin. Dessin d’Aurel. Le Canard Enchainé/ 20/09/2023