TikTok pousse-t-il au suicide ?

Les parents de Marie, une adolescente harcelée à l’école, qui s’est suicidée à 15 ans, en septembre 2021, ont porté plainte contre TikTok, pointant une part de responsabilité du réseau social dans le passage à l’acte de leur fille.

C’est une première en France.

L’éclairage de Sophie Jehe professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-VIII.


  • L’avocate de la famille a mis en cause l’algorithme de TikTok…

Cet algorithme « profile » de façon particulièrement rapide ses utilisateurs, cela pose un problème très important. Car si un algorithme « repère » des fragilités psychiques, la responsabilité de l’entreprise est d’apporter des contenus aidant à sortir de ce mal-être. Et non des contenus qui, de façon mécanique, vont le renforcer.

La « puissance » de TikTok est précisément sa rapidité à enfermer les usagers dans ce que l’algorithme a perçu de leurs goûts et de leur spécificité parce qu’ils restent quelques secondes de plus sur telle ou telle vidéo. Une façon de court-circuiter la volonté des utilisateurs.

  • La plainte porte notamment sur une « provocation au suicide » et une « non-assistance à personne en péril ». Quelle est ici la responsabilité de TikTok ?

TikTok propose une individualisation forte de ses contenus, la contrepartie doit être une responsabilité vis-à-vis de la mise en danger. J’ai commencé à regarder ce que proposait le réseau quand on cherche des contenus sur le harcèlement. On m’a exposé une confrontation entre un harceleur et un harcelé, ce n’est pas réconfortant !

En tapant « harcèlement », on devrait avoir un contenu suggérant d’appeler le 3018. Le fonctionnement des plateformes numériques ne va pas du tout. Il faut une modération humaine, avec des modérateurs francophones. Et comme ça va très vite, il faut embaucher.

  • Avec la vitesse de publication des contenus, n’est-ce pas un puits sans fond ?

Ce n’est pas notre problème. Ces grandes industries numériques ont des moyens que nous n’imaginons pas, elles sont puissantes et peuvent en réalité agir très vite.

TikTok a connu un très grand succès et s’est imposé dans la panoplie numérique des adolescents, de plus en plus jeunes. Le réseau prétend depuis toujours capter très vite l’état émotionnel de ses utilisateurs. Pour cela, il a une responsabilité accrue.


Propos recueillis Julia Vergely. Télérama. N°3846 – 27/09/2023


Dessin d’Udine. Charlie Hebdo. 20/09/2023


2 réflexions sur “TikTok pousse-t-il au suicide ?

  1. Fanny Langlois 27/09/2023 / 22h22

    C’est affolant le nombre de suicide chez les très jeunes.. je me souviens du jeune lillois qui s’est immolé, quand le film est sortie j’étais enceinte j’en avais pas dormi de la nuit…

    • Libres jugements 28/09/2023 / 10h53

      Bonjour Fanny et merci pour ce commentaire.
      La société actuelle proposée à notre jeunesse LE reflet de ce qui se passe quand ils deviendront adultes. Elle n’offre que la survie sous forme de pouvoir à ceux qui écrasent les autres. La timidité, la moindre différence physique ou vestimentaire, le respect des uns et des autres et « cultivées–exploitées » comme une faiblesse, et que dire Du jugement au faciès où des activités familiales notamment cultuelles, voire appartenance ethnique.
      Dans cette société où l’individualisme régnant fait force de loi arbitraire, les adultes ont déjà du mal à s’y retrouver, à exister, à se faire entendre ; comment les très jeunes Enfants ou les ados peuvent-ils (alors qu’ils n’ont que le ressenti de la fraternité familiale) s’en sortir ?
      Pour certains trop c’est trop leur demander hélas ne trouve solution que dans le suicide… solution au demeurant ultra-banalisé dans ce qu’ils peuvent voir à travers les infod quotidiennes ou la diffusion de films, ou dans les discussions entre eux.
      Cordialement
      Michel

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