Avis aux petits malins prompts à dénoncer l’enfumage auquel se livre l’industrie du tabac celle-ci est prête à les réduire en cendres !
L’Alliance contre le tabac (ACT) en a fait la brûlante expérience, le 18 août. Loïc Josseran, son président, a été menacé de poursuites pour diffamation par l’avocat de Philip Morris International (PMI).
Son tort ? Un tweet du 30 juin qui critique le rapport « Consommation de cigarettes illicites dans PUE, au Royaume-Uni, en Norvège et en Suisse ». « Un outil de lobby qui instrumentalise le commerce illicite pour contester les politiques de santé publique », fustige l’association.
Ledit rapport, argue-t-elle, est commandé à KPMG par Philip Morris chaque année depuis 2004. Le cigarettier paie et, pour le prix, obtient à peu près les conclusions qu’il veut. Le cabinet de conseil ne confesse-t-il pas la subjectivité des données qu’il glisse dans son rapport ?
« Les sources d’information utilisées ont été fixées en accord avec le bénéficiaire (…). Nous n’avons pas cherché à établir la fiabilité des sources d’information. » Incroyable mais vrai !
Dans les médias, le document est pourtant pris pour argent comptant avant chaque discussion parlementaire sur la taxation du tabac.
Des journalistes s’appuient dessus pour dénoncer une explosion du trafic illicite. Le 10 septembre encore, dans « Sept à huit », TF1 affirmait qu’une clope sur trois achetée en France provenait de la contrebande. L’estimation fait largement débat.
Menées par différentes instances officielles — dont les Douanes —, les études évoquent moins de 10 % de fraude. De même, alors que Philip Morris prétend que 40 % des cigarettes proviendraient d’achats parallèles, un rapport parlementaire de 2021 évoque plutôt une fourchette comprise entre 14 et 17 %. D’autres chiffres semblent tout aussi fumeux… Entre 2019 et 2020, selon KPMG, la contrefaçon aurait augmenté de 600 % en France. Et même de 4 000 % à Clermont-Ferrand et de 18 900 % à Aurillac. Ça fait tousser !
Sans mégoter
Ces chiffres de fraude ahurissants permettent au cigarettier de nourrir son combat contre la taxation du tabac. En septembre 2021, Jeanne Pollès, la présidente de Philip Morris France, profite ainsi de la publication du rapport KPMG de l’année pour déclarer « Nous avons enfin un rapport officiel qui converge avec nos conclusions une fiscalité qui amène des prix élevés crée des dommages collatéraux tels que les marchés parallèles » (AFP, 21/9/21).
Moins de fiscalité égale moins de fraude et plus de recettes pour le cigarettier. Chargée par l’assurance-maladie de « dénormaliser le tabac en France », l’Alliance contre le tabac n’en est pas à son premier coup de pression contre les fabricants de cigarettes.
En janvier, la fédération, reconnue d’utilité publique, avait publié, dans « L’Equipe », l’« Huma » et « Le Parisien », une campagne à l’intitulé sans filtre « L’industrie du tabac vous souhaite une mauvaise année 2023 ». L’association des Buralistes en colère a répliqué en demandant à ses 3000 débitants de retirer les quotidiens des étals.
Visiblement, l’ACT ne craint pas de retourner au casse-pipe…
Fanny Ruz-Guindos Le Canard Enchainé/ 20/09/2023