La vraie vie, c’est aussi ça !

Dans le logement social, la hausse du prix de l’énergie fragilise les familles modestes.

Ce logement, elle ne l’a jamais vraiment aimé. Un quatre-pièces HLM dans la cité ouvrière des Mazières, à Draveil (Essonne). Là où « il n’y a pas de transports, pas de commerces », soupire Nadia. Mais le pire, pour cette mère de famille de 51 ans qui vit seule avec ses deux garçons, « c’est le prix de l’électricité et du gaz ».

La facture de son chauffage individuel atteint aujourd’hui des sommets : 140 euros mensuels, jusqu’à 200 euros l’hiver dernier. « Si ça continue, je n’ose même pas imaginer comment je vais pouvoir assurer », dit-elle. Celle qui travaillait dans la restauration reçoit aujourd’hui une pension d’invalidité de 850 euros. Lorsqu’elle déduit ses 200 euros d’APL, il lui reste 400 euros de loyer à payer. À cela s’ajoutent les charges locatives, « trop lourdes ».

D’autant plus qu’ici, il faut pousser le chauffage pour ne pas avoir froid. « L’air passe de partout, c’est mal isolé. »

Alors pour manger, Nadia fait du repassage, au black. Et court d’association en association afin de récupérer ici et là une aide alimentaire. « J’ai honte, souffle-t-elle. Mais je n’ai pas le choix. »

  • Record d’impayés de gaz ou d’électricité en 2022

Dans le parc social, depuis 2020, les charges locatives affichent une nette augmentation. Et depuis deux ans, elles explosent. En cause : l’inflation, le prix de l’énergie. Une crise qui épuise les plus fragiles, bénéficiaires de logements sociaux et intermédiaires. Soit 15 millions de personnes.

En décembre 2022, l’Union sociale pour l’habitat (USH) – qui représente quelque 660 organismes HLM – publiait les chiffres de son Observatoire national des charges locatives pour l’année 2020.

Alors que leur niveau global était stable depuis 2014, elles augmentent de 9 % par rapport à 2019. Dans le parc social, les interventions pour des impayés de gaz ou d’électricité ont battu un record en 2022 (10 % de plus qu’en 2021), malgré le bouclier tarifaire mis en place par l’État pour contenir la flambée des prix. Alors même que deux tiers des organismes HLM enregistrent une « augmentation du nombre de ménages en difficulté financière », relève l’USH.

« Il est très difficile d’évaluer le niveau à venir de la hausse des charges, explique sa directrice générale, Marianne Louis. Les prix de l’énergie fluctuent de mois en mois et les situations des locataires sont très différentes d’un immeuble à l’autre, selon qu’ils ont un chauffage central ou un abonnement individuel… »

Toujours est-il que le constat est sans appel : les difficultés de paiement s’accroissent. « Pour l’instant, les bailleurs sociaux arrivent à contrôler la situation grâce à une très forte mobilisation des dispositifs de solidarité, de l’accompagnement social et des fonds de solidarité logement. »

Mais combien de temps encore pourront-ils faire face tant bien que mal ?

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  • « Les régularisations de charges, une bombe sociale »

Et il y a déjà urgence, même parmi les familles aux revenus plus confortables. Pour Cédric Desmoulin, le coup de massue est tombé par courrier, le 18 août. « Notre bailleur, Action Logement, nous demandait 250 euros d’augmentation par mois en prévision des charges liées au chauffage collectif. Et il fallait payer avant le 1er septembre. C’est violent », raconte-t-il. Pour le couple avec deux enfants, qui avait choisi ce logement du 18e arrondissement de Paris au loyer intermédiaire, la barre symbolique des 2 000 euros mensuels était franchie.

« Nos enfants entament une nouvelle année scolaire. On ne déménage pas comme ça. Mais on se demande vraiment si nous allons rester. » D’extérieur, le bel édifice haussmannien en jette. Mais, une fois la porte palière franchie, rien ne va plus. « L’immeuble n’est pas entretenu. Il y a du plomb dans les canalisations d’eau. Le logement est mal isolé, fissuré… Et les charges explosent ! » Les locataires ont décidé d’agir collectivement et ont adressé une lettre au bailleur. « Nous refusons de payer tant que nous n’aurons pas reçu le décompte de charges des trois dernières années. »

D’autres locataires, aux quatre coins du pays – comme à Marseille ou à Amiens – ont entamé les mêmes démarches.

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Nadège Dubessay. Source (Extraits)


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