… le temps des feuilles mortes
La souffleuse de feuilles (SDF)
Si le commun des mortels se fiche pas mal de savoir qui au juste a eu l’idée saugrenue d’inventer une connerie pareille, c’est entre les experts un débat sans fin : années 50 au Japon ou années 70 aux États-Unis ? Le ton monte et les modérateurs les plus chevronnés échouent à imposer un compromis, type « années 60 au Portugal ».
Reste que la souffleuse s’est imposée au point que, dans les pays civilisés, son chant caractéristique marque le début de l’automne comme le vol des hirondelles celui du printemps. Et, dans un cas comme dans l’autre, c’est au ras des pâquerettes.
Si la SDF n’est pas présente absolument partout, c’est que son utilisation requiert la coprésence de deux facteurs : des feuilles, bien sûr, mortes de préférence, et une personne (au moins) pour qui la simple vue de feuilles par terre justifie d’en venir aux armes.
Descendante abâtardie du râteau manuel, la souffleuse présente cette caractéristique amusante de consommer plus d’énergie que son ancêtre pour ne faire que la moitié du travail. En effet, la souffleuse est infoutue de ramasser les feuilles.
D’où l’aspirateur à feuilles.
Une solution peu commode, mais qui permet aux constructeurs de vendre deux fois plus de machines. Autres bénéficiaires de cette invention inepte, les employés communaux qui, lassés qu’on les suspecte d’être payés à brasser de l’air, peuvent désormais le propulser dans la direction souhaitée à 270 km/h. Le maniement de l’engin serait si addictif que les plus tire-au-flanc d’entre eux, se sentant pousser du zèle, n’auraient plus la patience d’attendre que les feuilles tombent d’elles-mêmes.
À moteur essence ou électrique, la souffleuse est également inclusive, puisqu’on peut indifféremment s’y référer au féminin ou au masculin (souffleur ou souffleuse).
Une caractéristique qui n’entame en rien l’aura de virilité qu’il/elle confère à celui-celle-celles-ceux qui s’en serve(nt).
Severine André.Vigousse. 18/09/2023