La France – « aurait pu/devrait » — conserver une influence…
Les propos tenus ci-dessous par El Hadj Souleymane Gassama, n’engagent que lui – bien évidemment – mais il apporte un éclairage possible sur la situation de la France dans cette partie de l’Afrique. MC
- Comment comprendre l’inflexibilité adoptée jusque-là par la France au Niger ?
La stratégie adoptée jusque-là était un pari très risqué, qui a raidi les positions, et donné un argument de poids à la junte, qui s’en est servi pour mobiliser et fédérer contre la France. Cet entêtement a réveillé tous les fantasmes d’une mainmise et d’une ingérence de la France, ce n’était pas une stratégie fine.
Dans la situation actuelle, Paris ne pouvait pas ne pas être perdant. Comment pourrait-il encore avoir la main ? Les sociétés sahéliennes sont travaillées par des réminiscences et un ressentiment, liés à la gangrène djihadiste, aux supposés échecs militaires, à un contexte de chaos, à une démocratie en suspens, et aux difficultés d’accès aux ressources de base.
On peut comprendre Macron lorsqu’il disait que donner l’impression que n’importe militaire peut arriver au pouvoir et démettre l’ordre constitutionnel sans sanctions crée les conditions de la récidive. En cela, il est d’ailleurs aligné sur la Cedeao. Mais appartient-il à la France d’être leader de l’intransigeance ?
- Quel avenir pour les relations entre la France et le Niger ?
La France est en perte de vitesse, et au lieu de corriger le tir, elle a plutôt suscité la défiance des populations. À court terme, une forme de retrait est inéluctable, mais ça ne veut pas dire non plus que Paris a tout perdu. Il n’est pas exclu que même en retrait, la France conserve une influence, au-delà de l’institutionnel et du régalien : des liens historiques l’unissent au Niger, tout comme sa diplomatie culturelle, et Paris reste une destination convoitée par les diasporas, qui pèsent lourd dans le PIB national grâce aux transferts de fonds. Il ne faut pas être défaitiste, mais prendre acte qu’un nouveau chapitre s’ouvre et qu’une renégociation des forces en présence est à l’horizon.
Les relations économiques vont perdurer, ce sont des ressources vitales, même si les discours antifrançais sont une recette qui marche.
- Dans Le Monde, Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères, a affirmé : « La “Françafrique” est morte depuis longtemps. » Partagez-vous ce constat ?
On peut à mon sens lui donner à la fois tort et raison.
Tort, car la Françafrique a muté. Ses réseaux ont quitté la forme de verticalité et d’opacité des années 1970 et adoptent de nouveaux canaux plus sournois. C’est de l’ordre du symbole, mais l’asymétrie économique, les économies rentières qui rapatrient des fortunes en Occident à travers de grands groupes, ou encore le franc CFA n’ont pas disparu.
On peut aussi parler d’extension du domaine de la Françafrique : on se focalise sur le politique, mais il faut aussi inclure les diasporas, les relations à travers l’immigration, l’humanitaire… Tout cela tisse une toile de relations bien plus vaste, qu’on ne peut pas juste résumer à un rapport de domination.
- Quelles sont les raisons, selon vous, du rejet de la France qui s’exprime au Niger ?
Pour commencer, en termes structurels, il faut remarquer que, quelles que soient leurs chapelles universitaires, idéologiques ou intellectuelles, les Africains se battent contre les survivances coloniales. C’est à mon sens une contestation audible et légitime.
Il y a aussi un aspect plus conjoncturel. Des États faillis, aux gouvernants illégitimes et aux démocraties anémiées, dont les ressources sont captées, jouent de la logique du bouc émissaire pour accuser l’Occident et la France de fautes qui ne leur sont pas imputables.
Cela fonctionne. À mon sens, une analyse fine doit pouvoir saisir ces nuances : il y a un désir ardent et légitime de souveraineté de la part des populations, et une forme de facilité qui dope le ressentiment et l’exploite à fond, la recette éternelle d’un pouvoir en mal de crédit qui se défausse sur les autres.
- Risque-t-on de voir d’autres putschs dans la sous-région ?
Ces coups d’État sont liés à des agendas locaux, qui sont décisifs pour prédire ceux qui pourraient avoir lieu, mais c’est vrai qu’il y a une réelle désinhibition des armées. Il ne faut pas non plus évacuer la perspective historique : tous les pays où des putschs ont été menés récemment en Afrique de l’Ouest sont des pays qui en avaient déjà connu plusieurs.
Maintenant, si la contagion touche le Sénégal et la Côte d’Ivoire, là, on pourra parler en effet d’un effet domino.
Toutes les malveillances, d’ailleurs, qu’elles soient d’obédience russe, ou travaillées par les forces djihadistes, ont pour objectif ces deux pays, qui symbolisent des liens un peu plus paisibles avec la France, et qui tiennent économiquement plus ou moins la route…
Article lu dans la lettre IRIS N°893. Source (Extraits – lecture libre) Propos recueillis par Lou Roméo.
Comme à son habitude Macron s’est placé en donneur de leçons, c’est nul en terme de diplomatie et pourtant il savait dès le lendemain du putsch que les américains ne permettraient pas une intervention militaire, et donc qu’il n’aurait pas les moyens de sa politique. Aujourd’hui il ne peut que constater que les usa et la Chine sont en train de remplacer la France en Afrique occidentale, ce putsch est aussi une faillite de nos services de renseignements. Mais Macron a t il la capacité de le comprendre?