Les vieilles

Petites filles de l’autre bout de la vie,
Qui font les poubelles au matin,
Qui vont, fichu sur la tête,
Faire les ménages des bureaux,
Les vieilles au porte-monnaie vide,
Qu’on bouscule, heurte, à demi renverse sur les trottoirs,
Qui n’osent même plus bader — rêver devant les vitrines,
Ou alors, à peine, comme des voleuses,
« Alors mémé ? On veut se payer un slip à trou-trous ? Sors-les tes sous ! »
« Chasse cette traîne patins de devant la porte !
Bouh ! ces vieilles moitiés sales, ça m’écœure !
C’est vrai ! Ça fait mauvais genre pour les clients ! »

Les vieilles,
Fleurs noires des jardins publics,
Avec leurs yeux qui rient,
De n’avoir rien compris !
Et les vieilles,
Qui n’ont plus peur de rien,
Qui battent des mains,
Le long des manifs,
Les vieilles qui défilent à Saint-Paul,
Qui veulent prendre l’hôtel Sully !
Les vieilles en marche
Avec les yeux qui pleurent,
D’avoir en
fin compris.


Victoria Thérame (née en 1938)



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