De quoi s’inquiéter du service public français « dégradé » miné par la concurrence des offres privées et dont la population serait tentée de se détourner.
La liste des dégradations des services publics est devenue tellement longue que le collectif « Nos services publics », constitué de fonctionnaires de tous horizons, a voulu remonter aux racines de cette dérive.
Le rapport de plus de 160 pages (voir bas d’article), présenté ce jeudi, part d’un constat contradictoire : « Les moyens des services publics augmentent depuis vingt ans (50 % du produit intérieur brut au début des années 1980 contre 58 % en 2022 – NDLR) » mais « moins rapidement que les besoins sociaux et l’écart entre les premiers et les seconds tend à s’aggraver ».
Élaborée avec l’aide d’une centaine d’experts et agents de terrain, cette étude fouillée déplore que, malgré l’accélération du changement climatique, le vieillissement de la population ou encore la massification de l’accès à l’enseignement supérieur, la recherche d’économies budgétaires reste l’objectif numéro un des gouvernements successifs.
Cécile Rousseau. Source (Extraits)
Version Le Dauphiné Libéré
Les grands maux du service public
Et si pour rendre les services publics de nouveau performants, il suffisait de partir des besoins plutôt que de ne considérer la question que sous l’angle budgétaire ?
C’est la proposition d’un collectif qui vient de publier un rapport de 300 pages, et espère susciter un débat national.
Déserts médicaux, hôpital en crise, paupérisation de la justice, école en perte de vitesse… Plus personne n’essaye de le nier : le service public français va mal. Comment expliquer cette dégradation ?
Regroupés au sein du collectif « Nos services publics », une centaine de fonctionnaires, chercheurs et citoyens viennent de livrer un volumineux rapport sur la question. Avec une approche inédite : partir des besoins de la population et de la société. « C’est rarement le point d’entrée des évolutions du service public. Ce qui domine, c’est la recherche d’économie budgétaire ou, a minima, de réformes à moyens constants », explique Arnaud Bontemps, magistrat financier et co-parole du collectif.
Plus de malades, pas plus de médecins
Principal constat de l’étude, déclinée par grands secteurs les moyens ont augmenté, mais beaucoup moins que les besoins. Entre 2010 et 2020, le nombre de patients concernés par une affection longue durée (ALD) a augmenté d’un tiers, passant de.9 à 12 millions.
Cela représente désormais un Français sur–six, dont la prise en charge plombe un système de santé dont les capacités n’ont pas augmenté dans les mêmes proportions.
Sur la même période, le nombre de médecins généralistes, central dans le parcours de soins, a stagné. Ils se répartissent aussi d’une manière de plus en plus inégalitaire sur le territoire.
Résultat : en 2021, six millions de Français n’avaient pas de médecin traitant.
Une crise qui profite au privé
Ce décrochage profite à un secteur privé largement soutenu par la puissance publique, constate le rapport. C’est notamment le cas dans l’éducation : « On sait que les familles à fort capital culturel vont de plus en plus dans les écoles privées sous contrat. Or ces écoles bénéficient de financement par élève globalement similaire à celui de l’école public, avec une grosse différence : elles ne sont pas assujetties aux mêmes contraintes », illustre Lucie Castets, co-porte du collectif.
C’est aussi le cas pour l’hôpital. Les actes médicaux les plus rentables, notamment la chirurgie, sont principalement pris en charge par des cliniques privées tributaires du financement public. En revanche, 80 % des passages aux urgences et des séjours pour les cas les plus sévères se font dans des établissements publics.
La dégradation du service public est un facteur de montée des inégalités sociales, note aussi le rapport.
Va-t-il servir ? « À autre chose qu’à caler la porte ou une armoire dans un ministère », espère Arnaud Bontemps, qui souhaite l’utiliser pour provoquer un débat national. La question est citoyenne, mais aussi éminemment politique.
L’étude doit être présentée aux députés le 26 septembre à l’Assemblée nationale.
Jean-Michel Lahire. Le Dauphiné Libéré. 15/09/2023