Salmoniculture industrielle

Le saumon d’élevage est le passe-partout du traiteur.

La France en importe de Norvège, d’Écosse, d’Irlande et du Chili plus de 200 000 tonnes par an.

Sous le couvert de la souveraineté alimentaire, l’élevage du saumon atlantique tente un nouvel atterrissage en France. L’agroalimentaire veut faire du saumon hors-mer. La mer serait trop polluée pour y cultiver un produit aussi noble.

Malgré un discours nickel – « Nous ne laisserons sortir aucune eau polluée, les boues seront recyclées en biogaz et nous installerons un potager sur les toits » -, le collectif Dourioù Gouez (« eaux propres », en breton) ne s’est pas laissé endormir à Plouisy, en Bretagne. Pas question d’enrichir la baie de Paimpol par les rejets quotidiens de 600 0001 de lisiers piscicoles pollués par les résidus de médicaments.

Smart Salmon a tenté le coup, mais les élus de Guingamp-Paimpol Agglomération ont finalement retourné leur veste de chasse et renoncé à vendre au groupe norvégien les 10 ha de terres agricoles où devait s’implanter la porcherie d’un nouveau genre.

Un autre projet, porté par un fonds d’investissement singapourien basé aux Émirats arabes unis, s’enlise au Verdon-sur-Mer, dans l’estuaire de la Gironde, sur 14 ha concédés par le port de Bordeaux. Selon le directeur français de Pure Salmon, Xavier Govare, ex-P-DG de Labeyrie, roi du foie gras très gras, les saumons seront préservés des pollutions et des contaminants transportés par les oiseaux migrateurs.

L’élevage du Verdon bénéficierait d’une « biosécurité parfaite ». La ferme aux saumons du Verdon devient la « ferme ta gueule », car Pure Salmon vient d’attaquer en diffamation le collectif Eaux Secours Agissons ! qui s’oppose à l’entreprise.

Par contre, à Boulogne-sur-Mer, là où le port de pêche crève, ça baigne pour la salmoniculture. Des conventions financières ont déjà été signées entre la Région Hauts-de-France, l’agglo du Boulonnais et le promoteur, Local Ocean France.

Les œufs viendront d’Islande par avion. À l’arrivée, ils seront inspectés, les viables seront désinfectés, acclimatés et transférés dans les racks de l’écloserie. Après quinze semaines d’incubation, ils devraient éclore. Les alevins de moins de 1g seront ensuite aspirés dans des bassins dont la température s’élèvera progressivement.

Dix semaines après, ils devront peser 5g et, via une série de canalisations et de pompes, les vainqueurs seront transférés dans les bassins de pré-grossissement. Dix semaines encore pour atteindre le cap des 30g. L’étape est décisive. Les alevins sont exposés vingt-quatre heures sur vingt-quatre à un éclairage LED reproduisant « l’ambiance des longues journées d’été de l’Arctique ». Durant les soixante-douze semaines suivantes, ils devront passer de 120g à 5 kg.

A 200g, les juvéniles seront soumis aux vaccinations, aux antiparasitaires et, si nécessaire, aux antibiotiques ; c’est à ce stade que la mortalité quotidienne (430 kg, selon l’évaluation des promoteurs) est la plus forte. Ils tournicoteront dans des bacs de 19 m de diamètre, eux dont les pairs sauvages parcourent des milliers de kilomètres dans les rivières et l’océan Atlantique.

Ils seront nourris avec des granulés de farines, de plumes et d’huile de volailles, de farines d’insectes, de protéines et de tourteaux de soja. Des liants brevetés seront incorporés aux granulés pour éviter que les excréments ne flottent et ne se fragmentent en particules qui compliqueraient le recyclage et la réutilisation de l’eau. Et enfin, le temps de transition.

C’est une sorte de jeûne de purification avant l’étourdissement par électrocution, la vérification de l’insensibilité en pinçant la queue, le tranchage des branchies, la saignée immédiate pendant que le système cardio-vasculaire fonctionne encore, garantissant « à la fois une chair goûteuse pour le consommateur et une absence de stress ou de lutte de l’animal », et le plongeon dans un caisson de refroidissement pour réduire la température à cœur et améliorer la durée de conservation de celui qui, après un peu plus de deux ans de bagne, sera devenu un consommable.

Le 8 août, le commissaire enquêteur a remis un avis favorable…


Jacky. Bonnemains. Charlie Hebdo 13/09/2023


Une réflexion sur “Salmoniculture industrielle

  1. bernarddominik 16/09/2023 / 8h39

    Écœurant. Comme des poulets en batterie.

Laisser un commentaire