L’exil des étudiants médecins

… alors que la désertification de l’offre de soins s’amplifie…

Les étudiants en médecine préparent leur cartable et leur stéthoscope pour la rentrée. Selon un arrêté paru le 4 août, 9 484 futurs toubibs intégreront l’internat à l’automne. Parmi eux, 252 bénéficient d’un contrat d’engagement de service public (CESP).

En contrepartie d’une alloc mensuelle de 1 200 euros brut, ces jeunes s’engagent à s’installer dans un désert médical à la fin de leurs études, pour une durée équivalente à celle pendant laquelle ils auront touché leurs subsides.

L’objectif est noble diversifier les profils en évitant à certains élèves de s’endetter pour étudier et, surtout, attirer des médecins à la campagne.

Quatorze ans après la mise en place de cette mesure, seuls 5 292 contrats ont été conclus, et 1 514 médecins généralistes, pédiatres ou gynécologues se sont installés dans des zones sous-dotées.

« Le nombre de contrats signés chaque année apparaît nettement moindre que le nombre de contrats offerts », diagnostique le rapport visant à améliorer l’accès aux soins rendu par le député Frédéric Valletoux (Horizons) le 7 juin. Sur les 1 003 CESP proposés en 2023, seuls 706 ont été signés.

Il faut dire que, à y regarder de plus près, l’accord ne fait pas rêver.

En cause ? Une rémunération faible, au point mort depuis 2009: 1 085,63 euros net avant impôts. « Sous le seuil de pauvreté », relève Théophile Denise, le premier vice-président de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale. Et un engagement de très long terme : Théophile Denise, qui a souscrit un CESP dès sa quatrième année, alors que ses stages obligatoires ne lui permettaient plus de cumuler études et jobs étudiants, « devra » huit années d’exercice en Auvergne-Rhône-Alpes ou dans un autre désert médical, selon l’accord conclu avec les agences régionales de santé.

Ce contrat peut aussi conduire à la réduction ou à la suppression des bourses et des aides au logement attribuées selon des critères sociaux. Pis : en cas de rupture, le carabin doit rembourser les sommes reçues et s’acquitter d’une pénalité de 200 euros par mois de perception de l’alloc – ou de 20 000 euros si le divorce a lieu après la remise du diplôme. « Un recouvrement chronophage et complexe » pour les 361 déserteurs enregistrés, commente pudiquement le rapport Valletoux.

Chargé d’examiner les dossiers des étudiants motivés, un toubib évoque « un boulet à la cheville des plus modestes », obligés de s’installer, à l’aube de leur 30e anniversaire, dans un territoire choisi des années plus tôt…

Par chance, les zones d’intervention prioritaire (ZIP) et les zones d’action complémentaire (ZAC), dans lesquelles sont censés exercer ces jeunes, s’étendent rapidement. Ainsi, 66 % des habitants du Grand Est, 70 % des Franciliens et 72 % des habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes vivent dans lesdites zones.

A cette allure, les contractants devraient donc bientôt pouvoir ouvrir leur cabinet dans tout l’Hexagone, et plus seulement dans des patelins reculés…


Fanny Ruz-Guindos. Le Canard Enchainé. 06/09/2023


Une réflexion sur “L’exil des étudiants médecins

  1. bernarddominik 14/09/2023 / 9h22

    L’état est toujours chiche dans ses propositions d’aide mais beaucoup moins en retour. Il y a pourtant un moyen simple: que la sécu paye 5 à 10€ de plus la consultation dans les déserts médicaux.

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