Le ministre des Armées pense avoir enfin trouvé l’antidote pour enrayer l’épidémie de départs qui est en passe de mettre sur le flanc son Service de santé.
Le 31 juillet, au cœur de l’été, Sébastien Lecornu a signé un décret réduisant le temps de service incompressible que les médecins militaires doivent à l’institution en contrepartie de la prise en charge de leurs longues études. Las ! l’initiative du ministre n’a pas fait retomber la fièvre dans les rangs.
Tous les toubibs ayant enfilé le treillis se plaignent d’ « un lien au service » démesurément long, qui les oblige à ruser pour faire le mur… Tout de suite après avoir signé son engagement, l’apprenti médecin militaire file étudier à l’École de santé des armées.
Comptez désormais dix ans pour un généraliste, et jusqu’à douze ans pour un chirurgien. Un souci pour les docs galonnés, dont le temps minimal à passer sous les drapeaux est fonction de la durée de leur scolarité. Celui dévolu aux études de médecine, ces dernières années, a augmenté. Pourtant, le Service de santé s’obstine à fixer l’obligation de service selon la formule suivante : le nombre d’années d’études générales multiplié par deux avec, en sus, un facteur trois pour les années de spécialité.
« On se retrouve ainsi à devoir entre vingt-sept et trente-cinq années de service sans avoir le droit de démissionner », se lamente un lieutenant-colonel. Grâce à Lecornu, un toubib ne doit plus que… vingt-sept ans maximum. A peine une éternité.
Sur le papier, un médecin militaire a le droit de démissionner dix ans après la fin de ses études, à condition de rembourser une partie du coût de sa scolarité. Sauf que le Service de santé des armées retoque la quasi-totalité des demandes de démission tant que le fameux « lien au service » n’a pas été épuisé.
L’argument des Armées ? Son Service de santé est à l’os. « Il manque entre 200 et 250 médecins pour assurer les missions », confesse un officier.
Le blues de la blouse
Pour s’évader avant la quille, les toubibs les plus résolus ont donc trouvé une combine : se faire réformer par leurs pairs.
Après six mois d’arrêt maladie, les blouses blanches devenues réfractaires saisissent la commission de réforme afin d’être rayées des cadres d’active pour « inaptitude au service » : en clair, ils se font réformer pour motifs psychiatriques.
Interrogé par « Le Canard », le Service de santé des armées, qui aligne 2 100 médecins, reconnaît du bout des lèvres avoir laissé partir, en 2022, « 44 médecins militaires, dont 27 spécialistes hospitaliers, pour inaptitude médicale ».
Une hémorragie colossale, dans la mesure où ces réformés représentent la moitié d’une promo de l’École de santé des armés.
« On ne comprend pas pourquoi la direction ferme les yeux sur cette filière d’évasion », soupire un gradé.
D’après un décompte officieux, sur lequel le Volatile a mis la palme, la grande désertion touche principalement la tranche d’âge la plus opérationnelle des 35-45 ans -celle exerçant dans des spécialités vitales, telles que la chirurgie, la radiologie ou l’anesthésie.
En 2018, la médecin générale Maryline Gygax Généro, alors patronne du Service de santé des armées, avait bien tenté de cautériser la plaie en sensibilisant le Conseil national de l’ordre des médecins sur les cas de praticiens militaires radiés pour des motifs de santé suspects.
Après avoir posé l’uniforme, la presque totalité des réformés rempile illico dans le civil, où les blouses blanches sont nettement mieux rémunérées. Entre 25 et 30 % pour un anesthésiste dans le public, et jusqu’à trois fois plus dans le privé.
Odile Benyahia-Kouider et Christophe Labbé. Le Canard 06/09/2023
C’est quoi le but de cet article ces mÔsssssieurs du « coin-coin »…
Faut-il plaindre les engagés militaires ayant reçu gratuitement une formation alors que d’autres voulant exercer dans le privé s’arrangent pour subvenir à leur besoin et formation ? L’article, veut-il nous faire comprendre que les déserts médicaux ne sont pas que dans l’exercice des hôpitaux et du privé… Qu’il ne faut pas se plaindre plus que ça de la désertification de l’offre de soins actuelles, regardez même chez les militaires, c’est pareil ?
Peut-être une mauvaise lecture, un mauvais esprit, de notre part. MC
🤔