Faut-il médire de Médine ?

C’est un grand moment d’émotion.

Dans son dernier numéro, « L’Humanité Magazine », journal peu suspect de la moindre accointance avec l’antisémitisme, donne la parole au rappeur Médine, qui, après les universités d’été des Verts et de LFI, se produira à la Fête de l’« Huma », et à Bilal Hassani, jeune chanteur star de la mouvance LGBT.

Et c’est là qu’on découvre la triste vérité.

Médine souffre.

On n’a rien compris si on ne sait pas ça. Il souffre du « racisme étatique », de toute cette haine qui s’abat sur les « quartiers », donc sur lui, bien sûr. Il ne supporte plus ceux qui « stigmatisent et fragmentent notre société » et confie à Bilal Hassani : « Nous sommes frères de douleur, pour longtemps. » Apparemment, être Médine, ce n’est pas de la tarte. On imagine que cette douleur est ancienne, car, sur les réseaux sociaux, on le voit en famille dans des lieux paradisiaques où il enchaîne festins et virées en hélice. Que ne ferait-on pour oublier ! À l’âge de 20 ans, ce natif d’un quartier populaire du Havre sort son premier album. Rapidement remarqué en raison de son talent, il ne cesse, ensuite, de travailler.

Les communistes locaux lui donnent des coups de main, le conseil régional de Normandie, dirigé par le centriste Hervé Morin, subventionne généreusement un documentaire tout ce qu’il y a d’hagiographique, « Médine Normandie », diffusé sur France Télés.

En 2012, l’artiste cosigne un livre avec le spécialiste de la géopolitique Pascal Boniface. Ce dernier se permet d’envoyer une lettre ouverte à Edouard Philippe, déjà maire du Havre, pour s’indigner de ce que son protégé, qui n’a que 29 ans, ne soit pas suffisamment considéré par l’édile.

Tout à l’ego

« Est-ce parce qu’il s’appelle Médine et qu’il est musulman ? » s’agace Boniface, rappelant que les éditions Nathan avaient jugé bon, oups, de présenter dans un manuel d’histoire un de ses textes sur les événements d’octobre 1961.

Quand la rencontre avec Philippe a enfin lieu, le jeune rappeur s’offusque de devoir se présenter : « Je doute que lui-même fasse rayonner l’image du Havre comme je peux le faire dans mes concerts. » Le cœur saigne, mais les chevilles vont bien, merci.

En août dernier, le club de foot du Havre l’a mis en vedette pour fêter son retour en Ligue 1. C’est dur, tant de stigmatisation.

C’est sans doute en raison de ses nombreuses souffrances que Médine a fréquenté assidûment des personnalités comme Dieudonné, Kemi Seba, les frères Ramadan ou l’association « controversée » Havre de savoir. Entre réprouvés, on se serre les coudes. À vrai dire, il n’en a pas loupé une, mais il a toujours une explication.

Dieudonné, qu’il a défendu mordicus ? Il n’a pas compris. La quenelle, geste ouvertement antisémite ? « Je me suis trompé sur sa signification. » Le soutien à Kemi Seba, suprémaciste noir pathologiquement antisémite, proche des mouvements nazis et islamistes, multicondamné pour incitation à la haine raciale ? Il a assisté à son meeting et prévu un concert avec lui « dans une démarche de chercheur ».

Tariq Ramadan ? Après avoir clamé : « Dans ma carrière et ma construction, Ramadan a joué un rôle déterminant », il n’en parle plus, bye-bye, du balai. Quant à l’association Havre de savoir, proche des Frères musulmans, qui a travaillé avec l’imam Hassan Iquioussen, expulsé de France en raison de ses discours haineux, il tâche aujourd’hui de faire oublier qu’il en fut l’ambassadeur. Ah bon, on se connaît ?

Maladroit dans ses bottes

Il y a les amis, et il y a les mots. Médine a de l’aisance, il s’enorgueillit à juste titre de bien écrire, mais voilà que parfois, il ne saisit plus ce qu’il dit. La douleur fait perdre les pédales, c’est connu. « Commerce de l’Holocauste » ? Silence radio.

« Tarlouze », utilisé pour décrire le musulman européen intégré ? « Ce terme est maladroit. » Pas injurieux, pas homophobe, encore moins vulgaire, simplement « maladroit ». Tout comme est « maladroit » le jeu de mots que n’aurait pas désavoué Le Pen père sur l’essayiste Rachel Khan. « ResKHANpée » ? C’est bien simple, il a « sur-réagi », n’ayant absolument pas mesuré la « charge émotionnelle et historique du mot ». Rachel Khan s’amuse de ce curieux mea culpa : « Je suis l’incarnation de tout ce qu’il ne supporte pas : femme, libre, métisse, à la fois juive et musulmane de par mon histoire. Les gens comme lui pensent que ma couleur leur appartient. Quand on leur dit non, ça les rend fous. »

Dans la France de ses rêves, on n’admet « ni marinière, ni baguette, ni béret », bref, rien de ce qui ressemble à la moindre altérité. Il se plaint pourtant de ceux qui « stigmatisent et fragmentent ». Rompant un long silence, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a qualifié ses propos et son attitude de « très problématiques ». C’est vrai que, même pour un « frère de douleur », ça commence à faire beaucoup.


Anne-Sophie Mercier. Dessin de Kiro. Le Canard Enchainé. 06/.09/2023


Une réflexion sur “Faut-il médire de Médine ?

  1. bernarddominik 10/09/2023 / 17h17

    Medine cultive une culture de confrontation, avec toutes les outrances qui vont avec. Il pose un gros problème : est ce cette société que nous voulons? Pour moi sa place n’est pas en France.

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