Face aux catastrophes climatiques et à l’inaction politique, Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et ex-coprésidente du groupe n° 1 du Giec, réaffirme la nécessité de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre.
- Les incendies : Canada, Grèce, Hawaï, Espagne…
V.M-D. Je ne dirais pas que le réchauffement climatique en est à l’origine. Par contre, il augmente clairement les conditions météorologiques propices aux incendies en ce qu’il crée des situations chaudes, sèches et venteuses. Mais pas seulement.
Dans un climat qui se réchauffe, on observe aussi une diminution de la pluviométrie graduelle, singulièrement dans les régions au climat méditerranéen. Par ailleurs, le réchauffement de l’atmosphère augmente l’évaporation et la transpiration de la végétation, avec pour conséquence un assèchement rapide des végétaux et des sols.
Cela peut sembler paradoxal, mais à l’échelle globale, les spécialistes ont constaté d’un côté une augmentation des conditions météorologiques propices aux incendies liés au réchauffement climatique ; de l’autre, une diminution des surfaces brûlées. Il faut y voir l’effet de l’amélioration des pratiques de gestion.
Pour autant, nous observons aussi la multiplication de ce que l’on appelle les mégafeux, ces incendies de très forte intensité, impossibles à contrôler tant ils dépassent les capacités de prévention et de réponse rapides. Tous ces éléments ont été décrits dans les travaux du Giec. En 2019, un rapport identifiait ainsi clairement le pourtour méditerranéen comme l’une des régions les plus concernées par le risque majeur d’incendie.
- Comment adapter les territoires menacés par des incendies ? Est-ce seulement faisable ?
Il existe des retours d’expérience, en Corse ou en région Paca, qui démontrent très clairement qu’avoir une culture du risque associée à de bonnes pratiques de prévention et de détection est essentiel.
En la matière, les sciences du climat constituent incontestablement un progrès en permettant d’avoir une capacité de prévision du risque d’incendie sur plusieurs jours, mais aussi à l’échelle d’une saison. Les chaleurs à répétition et la sécheresse des sols accentuent le dépérissement des forêts.
Les arbres, fragilisés, deviennent plus vulnérables aux ravageurs de type scolytes. En entraînant une mortalité accrue de la végétation, ces phénomènes multiplient aussi les incendies, en fournissant davantage de combustibles. Par ailleurs, au Portugal comme en Australie, on sait aussi que les monocultures d’eucalyptus ou de résineux très inflammables constituent le risque.
À l’inverse, maintenir des forêts diversifiées, qui n’ont, par exemple, pas toutes le même âge, mettre en place des pratiques de coupe-feu et travailler aux interventions rapides réduisent ce risque. Tout cela a un coût et, souvent, ces investissements font défaut.
- Quels sont les impacts de ces incendies sur le climat ? Peut-on parler de cercle vicieux ?
Nous ne disposons pas, sur ce sujet, d’évaluation complète. Nous savons que les incendies de forêt au Canada ont relâché dans l’atmosphère l’équivalent de plusieurs mois d’émissions du pays. Je reste néanmoins prudente, non pas sur l’effet immédiat des incendies en matière d’émissions de CO2, mais sur leurs effets intégrés dans la durée.
Les scientifiques, qui ont travaillé sur les incendies en Australie, ont montré que la combustion de toute la biomasse stockée dans la forêt et les sols a conduit à augmenter les émissions de CO2 pendant les incendies, certes. Mais ils ont aussi démontré que, dans les années suivantes, la repousse rapide de jeunes arbres est parvenue à contrebalancer les émissions associées aux incendies.
J’insiste sur un point : il ne faut pas s’imaginer que nous avons enclenché un cercle vicieux qui rendrait la maîtrise du réchauffement climatique hors de contrôle.
- Vous insistez sur la réduction des émissions de CO2 et, pourtant, le monde n’a jamais autant consommé d’énergies fossiles qu’en 2023 et le climato-scepticisme revient en force…
C’est tout le problème de l’inadéquation de la capacité d’action efficace. Je pense pourtant qu’il y a une très large prise de conscience des risques et de l’urgence climatiques. En face, une bataille menée par un certain nombre d’acteurs vise à saper ce sentiment d’urgence par aversion au changement ou par intérêt associé à l’exploitation et à la commercialisation des énergies fossiles (moteurs thermiques, chauffage au gaz…).
Nous sommes face à des campagnes massives de désinformation qui prennent des formes diffuses sur les réseaux sociaux. Cela relève du cynisme. C’est tellement plus confortable de se dire que ce n’est pas si grave, de justifier le fait de ne rien transformer de ses pratiques personnelles.
Propos recueillis par Marion d’Allard. Source (Extraits)
Le CO2 est indispensable à la végétation, il y a eu des périodes géologiques où il y avait beaucoup plus de CO2 c’est le carbonifère, la végétation était plus dense le Sahara était vert, il pleuvait beaucoup plus. Or actuellement il s’agit d’un réchauffement bien différente. Alors autant le réchauffement me paraît indiscutable, autant j’ai des doutes sur ses causes. Mais de toute façon il faut arrêter de brûler du pétrole, et là je ne nie pas l’effet dévastateur de ses autres gaz (fluorures micro particules …).
Il est toujours bon de sensibiliser les gens à la préservation de la nature. Mais comme d’habitude, les conseillers ne sont pas les payeurs et s’attaquer aux problèmes avec de vrais moyens est une gageure mondiale.