… se mordre la queue…
Peindre les toits en blanc pour faire chuter les températures ?
« Plus la surface est claire, plus le soleil se réfléchit et moins la chaleur est absorbée. C’est hypersimple, peu coûteux et très efficace », s’enthousiasme la vice-présidente de l’Ordre des architectes dans « Libé » (23/8).
Etalez sur un toit deux ou trois couches d’une mixture à base de pigments mélangés à de la résine acrylique (ou alors, version bio, un mélange de coquilles d’œuf et d’huître additionné d’eau), et, hop ! le tour est joué : 90 % des rayons solaires sont renvoyés dans l’atmosphère. Et les pièces situées sous les toits affichent jusqu’à 7 °C de moins. En comptant entre 20 et 25 euros pour 1 m2 de toiture repeinte en blanc, voilà qui est bien plus écolo et plus économique que la clim.
Au Maroc, en Grèce, en Italie, ça fait bien longtemps qu’on l’a compris. En 2009, la ville de New York s’y est mise. Plus de 1 million de toits y ont été repeints. Depuis 2018, les experts du Giec recommandent cette technique pour s’adapter au changement climatique.
Et en France ?
Un toit de supermarché peint à côté de Strasbourg, un autre à Quimper, des entrepôts à Brive-la-Gaillarde, une ancienne usine à Grenoble, un gymnase au nord de Paris, une école dans le Xe arrondissement de la capitale… Pour les entreprises et les bâtiments publics, ça commence timidement.
Amendement à la cave
Quant aux particuliers… Louis, 71 ans, habite un village de l’Ain, à une trentaine de kilomètres de Chambéry. Fin novembre, il fait une demande à sa mairie pour peindre ses 220 m² de toiture : « Je ne suis pas un écolo dingo, mais j’ai lu une brève dans « Le Canard » (« Ne pas faire sans blanc », 20/07/22) qui citait une expérience concluante de toits peints en blanc à New York. Je venais de nettoyer mon toit, je me suis dit : « C’est le moment. » »
Refus net de la mairie, qui brandit le plan focal d’urbanisme : les toitures en tuile de la commune doivent obligatoirement être « de couleur rouge nuancé » .
Louis écrit au ministère de la Transition écologique pour l’inciter à déposer « un projet de loi permettant aux particuliers de prendre plus facilement des initiatives telles que « recouvrir son toit avec de la peinture blanche » ».
Réponse de la cheffe de cabinet : « J’ai transmis votre correspondance à la préfète de l’Ain. » Laquelle lui écrit pour lui dire que ses « travaux ne sont pas conformes aux dispositions réglementaires ». Circulez…
Julien Bayou, député EELV de Paris, s’est intéressé à la question : « Il faut assouplir les règles d’urbanisme, aider financièrement les particuliers à faire ces travaux. Et, pour les bâtiments non résidentiels, comme les centres commerciaux, les écoles, les Ehpad, il faut rendre cette mesure obligatoire. » C’est le sens de l’amendement qu’il a déposé le 17 novembre dans le cadre du projet de loi sur les énergies renouvelables. Amendement adopté, « à [s] a grande surprise ». Mais, lorsque, le 10 mars, la loi est publiée, deuxième surprise son amendement est devenu « une demande de rapport au gouvernement » !
- Où en est ce rapport ?
- Qui s’en occupe ?
- Quand sera-t-il bouclé ?
Réponse du ministère de la Transition écologique au « Canard » : il « doit être publié dans un délai d’un an. Il est piloté par la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature, qui a défini son périmètre et est en train de sélectionner un prestataire pour l’appuyer dans l’analyse technico-économique de cette solution. Cette analyse doit s’échelonner sur plusieurs mois ».
Traduction par Julien Bayou : « C’est un enterrement de première classe. En fait, il n’y aura jamais de rapport, c’est une manière très polie de dire : « Votre texte, on n’en veut pas. » Le gouvernement ne veut pas se mouiller en imposant quoi que ce soit. »
Surtout que ce sujet a tendance à irriter le secteur du bâtiment. Notamment les professionnels de l’étanchéité, qui proposent déjà d’autres produits pour rafraîchir les toits.
Une histoire cousue de fil blanc…
Professeur Canardeau. Le Canard Enchainé. 30/08/2023
Je vois mal peindre les toits de tuile de mon village provençal en blanc. Ce serait horriblement moche. Quant aux 7 degrés ça me paraît exagéré. Et l’hiver on repeint les toits en noir? Car là le paradigme est inverse.