Désolé aucun respect pour ce nauséabond personnage. Oui pour une fois, je quitte la veste tolérance… MC
Geoffroy Lejeune, je l’ai vu arriver un beau matin, sympa, marrant, vif, terriblement à l’aise. Il n’avait jamais d’infos, sauf sur l’extrême droite.
Je n’ai découvert que bien plus tard sa proximité avec Marion Maréchal et Patrick Buisson, mais il me faisait déjà une impression étrange. Rétrospectivement, je le vois comme un jeune mec qui faisait de l’entrisme au service d’une cause et que le journalisme, avec ce que cela comporte d’enquêtes et de vérification des faits, intéressait très modérément. Fabien Roland-Lévy, le rédacteur en chef du « Point », accueille Geoffroy Lejeune comme stagiaire au service politique du journal en 2011. Ce pur produit de l’éducation catholique tradi flirtant avec l’intégrisme, puisque le collège où il a étudié est lié à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, a déjà un visage poupin et une assurance très supérieure à la moyenne. Il rejoint vite la rédaction de « Valeurs actuelles » et en devient fissa l’un des dirigeants.

Douze ans à peine se sont écoulés, et il n’a pas changé. Il y a une semaine, il a pris la tête du « Journal du dimanche » — plus couramment appelé « le JDD » — mais il était déjà dans les murs depuis quelque temps.
La grève des journalistes ne l’a pas affecté outre mesure. On l’a vu, à la cantine, rigoler avec son pote Louis de Raguenel, un ancien de « V.A. » très proche des milieux policiers les moins progressistes, aujourd’hui à Europe 1.
Ils veulent partir ? Qu’on leur donne leur chèque, mais, pitié, pas de charte déontologique. Des « garanties d’indépendance » ? On n’est pas dans le petit inonde gaucho et bâillonné des médias déclinants, ici.
Ça « VA » pas la tête ?
Lejeune a cogné fort dès le premier numéro, avec « sa une » sur les morts passés inaperçus : un appel au Président, qu’il connaît bien pour être très copain avec le couple Macron. Il a reconstitué sa bande de « Valeurs actuelles », sa petite cour de toujours : Raphaël Stainville, qui a écrit un livre avec un ex-garde du corps de Jean-Marie Le Pen, Charlotte d’Ornellas, ancienne de Boulevard Voltaire, de « Présent » et de Radio Courtoisie, et Cyril de Beketch, ancien de « Minute ». Comment ça, pas de pluralisme au « JDD » ?
Toute l’extrême droite est représentée ! Lejeune est leur gourou. « Geoffroy est génial », ont-ils coutume de bêler. Lui-même ne se déteste pas : « On n’abdique pas l’honneur d’être une cible », écrit-il pompeusement sur les réseaux sociaux.
Géniale, les unes sur « les flics doivent-ils tirer » et Danièle Obono enchaînée ? Ça se discute, hein.
Géniales, les couvertures de « Valeurs actuelles » sur la « nouvelle terreur féministe » ou la « terreur vegan » ? Bof, tellement convenues, à bâiller d’ennui. Moins drôles que les saillies réacs du vieux tonton qui pique un peu bourré qu’on place toujours en bout de table le soir de Noël.
« Geoffroy Lejeune, c’est la relève de tous ces journalistes très à droite qui se sont embourgeoisés au « Figaro », mais il est déjà mainstream, sans s’en rendre compte », tacle un journaliste qui l’a bien connu. De l’avis général, Lejeune aime trop montrer sa bobine dans le poste et bosse de moins en moins.
« Lejeune et son groupe de Castors juniors, c’est la droite Azincourt. Embêtant pour quelqu’un qui veut peser politiquement, rigole Arnaud Stephan, ancien conseiller personnel de Marion Maréchal. Il a soutenu Fillon, auquel il a consacré un nombre impressionnant de unes, Bellamy, Zemmour, bref, des gars incapables de parler au peuple. »
Ce qui ne l’a pas empêché de tisser sa toile un peu partout : il est pote avec Mathieu Bock-Côté, star de CNews ; il est apprécié de Cyril Hanouna ; des ministres importants, de Darmanin à Le Maire, sont venus « débattre » avec lui ; il a été reçu à l’Élysée. Il a surtout tissé des liens de proximité avec Arnaud de Puy-fontaine, le puissant dirigeant de Vivendi.
Soutenu au plus haut niveau du groupe, il ne risque pas grand-chose.
Azincourt-circuit
Au « JDD », ses opposants ont été roulés dans la farine.
On les a reçus au ministère de la Culture, on les a dorlotés. Tribunes de soutien, soirées de gala. Olivier Faure a promis qu’il ne donnerait aucune interview, ce qui est un sacré coup dur pour le journal. Comment Bolloré va-t-il pouvoir résister à une pression pareille ?
Le « JDD » restera-t-il indépendant ? « C’est une vraie question », a lâché un Clément Beaune soucieux de rester dans la mesure, tandis que le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, répondait sur le mode hilarant : « Je répondrai à cette question le jour où elle me sera posée. » À l’Élysée, on dit « observer attentivement » la situation. Tout est dans l’adverbe.
Bref, c’est tranquille pour Lejeune, sauf si le lectorat ne suit pas. Sous sa direction, les ventes de « Valeurs actuelles » n’ont pas fait d’étincelles, c’est le moins qu’on puisse dire. « C’est sûr, une boîte qui coule, le patron n’a pas d’humour avec ça », prévient un proche de Bolloré.
Samedi dernier, pour fêter leur premier bouclage, le chef et son équipe ont sorti le champagne. Attention, si les ventes ne suivent pas, le mousseux est déjà au frais !
Anne-Sophie Mercier – Dessin de Kiro. Le Canard Enchainé .09/08/2023