La guerre du clone

Le pont du 15-Août est à peine enjambé que déjà la rentrée se profile.

A chacun la sienne, et, cette année, Gérald Darmanin a pris tous ses camarades de vitesse. Pressé comme un équipage de la BAC, gyrophare en oriflamme, le voilà qui se déclare pour 2027. Le Français encore à la plage n’en attendait pas moins.

« Ce qui m’inquiète maintenant, c’est ce qui se passera en 2027 », déclare au « Figaro » le petit gars de Tourcoing. Il y a urgence ? Les quatre ans de mandat qui restent à Macron, Gégé s’assoit dessus. Une impatience mal perçue à l’Élysée, et on comprend pourquoi. Évoquer la succession du Président alors qu’il n’est même pas à mi-mandat, c’est l’enterrer.

Cela ne se fait pas quand on est ministre. Enfin, si. À droite, il y a un précédent, et il s’appelle Nicolas Sarkozy. Darmanin l’a justement visité au cap Nègre en juillet, en tant que « fils préféré », ainsi se voit-il, tel Al Pacino dans « Le Parrain ».

Vingt ans après, le ministre de l’Intérieur rejoue pile la même pièce que l’ancien maire de Neuilly face à Jacques Chirac en 2002. Sarko, comme lui, avait transformé en bastion la Place Beauvau. Il rêvait de Matignon, mais ne l’à jamais obtenu, distancé une première fois par un ancien commercial de chez Jacques Vabre, une seconde par un diplomate au verbe habité, un certain Villepin. L’adversaire aujourd’hui de Darmanin au gouvernement est un certain Le Maire, ancien directeur de cabinet de Villepin. Comme on se retrouve.

Comme Sarko encore, Darmanin est un fils d’immigré. Comme lui, il a compris qu’il fallait incarner l’ordre et la sécurité pour avoir une chance de l’emporter à une présidentielle, mais que le régalien ne suffisait pas à donner du souffle. Sarko avait piqué Jaurès et Guy Môquet au camp d’en face pour ratisser plus large, Darmanin, élu du nord, enrôle l’Insoumis Ruffin et le communiste Roussel pour affirmer, péremptoire : « La question sociale est la plus importante. » Marine Le Pen n’en doute pas.

Sarko avait fini par traiter Chirac de « roi fainéant », Darmanin se contente poliment, pour l’instant, d’attaquer les « techniciens » Borne et Le Maire : « Il ne faudrait pas que l’on remette notre avenir entre les mains de la technique, en utilisant des mots que les Français ne comprennent pas toujours. »

Mais Macron n’est pas si loin, qui, chantre de la high-tech et de la « start-up nation », n’a pas toujours su trouver les mots pour parler clair aux Français. Le ministre de l’Intérieur n’a pas eu Matignon, il réclame donc l’Élysée. Le message est un rien appuyé. L’ambition incommodera vite si elle fait trop peu de cas du chef de l’État.

Quatre ans, c’est long quand on a un bilan à défendre. Darmanin, parfait clone de Sarko, a, lui aussi, eu ses émeutes pour bâton de maréchal, mais son maintien de l’ordre hérisse à l’ONU et chez les juges quand il promet aux policiers un statut dérogatoire au droit commun. Sa manie de dissoudre est dans le collimateur du Conseil d’État, sa politique d’immigration ne parvient pas à éviter les morts dans la Manche.

Sarko avait trouvé un slogan en 2007 pour se propulser : « La France qui se lève tôt » ; Darmanin se couche devant les syndicats de policiers. Pas de quoi prendre, pour le moment, l’ascendant sur Edouard Philippe ou sur Bruno Le Maire, ni, surtout, sur Marine Le Pen.

En attendant que le clone s’émancipe ou pas, soyons rassurés, la guerre pour la succession de Macron a bien démarré. C’est parti pour quatre ans.

Bonne fin de vacances.


Jean-Michel Thénard. Édito – Le Canard Enchainé. 16/08/2023


Une réflexion sur “La guerre du clone

  1. bernarddominik 17/08/2023 / 9h43

    Les énarques Philippe et Le Maire ne laisseront pas le pouvoir échapper à l’énarchie.

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