Darmanin et les dissolutions…

… d’associations

Pour le Conseil d’État… Darmanin dissout comme une bourrique

En suspendant la dissolution des Soulèvements de la Terre, le juge administratif suprême inflige une leçon de droit au ministre de l’Intérieur.

Normalement, quand le Conseil d’Etat sanctionne l’exécutif, il le fait en mettant les formes. En l’espèce, la forme qui a été choisie est celle de la claque. Tel est le cuisant diagnostic d’Olivier Cahn, professeur de droit à l’université de Cergy, après la suspension le 12 août, par le juge des référés du Conseil d’Etat, de la dissolution du collectif les Soulèvements de la Terre (SLT), décrétée en Conseil des ministres le 21 juin. « Sous couvert de défendre la préservation de l’environnement », les Soulèvements de la Terre « incitent à la commission de sabotages et dégradations matérielles, y compris par la violence », justifiait alors l’exécutif dans son décret.

Si la suspension n’est que temporaire – la décision définitive du Conseil d’Etat devant intervenir à l’automne – elle n’en ressemble pas moins à « une vraie leçon de droit adressée à l’exécutif », soutient Olivier Cahn.

Le soulèvement l’atterre

Une leçon en deux points. Primo, selon le Conseil d’Etat, « la dissolution des Soulèvements de la Terre porte atteinte à la liberté d’association et crée pour les requérants une situation d’urgence. Ils estiment donc que la première condition nécessaire pour ordonner la suspension est remplie ».

Secundo, « les éléments apportés par le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer pour justifier la légalité du décret de dissolution [des SLT] n’apparaissent pas suffisants (…). En effet, ni les pièces versées au dossier ni les échanges lors de l’audience ne permettent de considérer que le collectif cautionne d’une quelconque façon des agissements violents envers des personnes ».

Quant aux « atteintes aux biens », elles « se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d’initiatives de désobéissance civile, dont le collectif revendique le caractère symbolique », et n’ont été constatées qu’en « nombre limité », juge le Conseil d’Etat. Dès lors, « la qualification de ces actions comme des agissements troublant gravement l’ordre public (…) soulève un doute sérieux ». Voilà Gérald Darmanin habillé pour les quatre saisons !

« On peut espérer que, lors de son jugement définitif, le Conseil d’Etat confirmera que la dissolution des SLT est disproportionnée et qu’on n’écrase pas un moucheron avec un marteau », estime Stéphanie Hen-nette-Vauchez, professeure de droit public à l’université Paris-Nanterre.

Il faut dire que, depuis juillet 2020 – date de son arrivée au ministère de l’Intérieur -, Darmanin use et abuse de la « bombe nucléaire » de la dissolution. En moyenne, il a présenté un décret de dissolution d’association tous les deux mois, « ce qui contraste avec la parcimonie constatée entre 1936 et 2015 : un ou deux décrets de dissolution par an », relève la juriste.

Rappelons que le pouvoir de dissolution administrative d’une association ne s’appliquait, à l’origine, qu’en des circonstances précises. Votée à la suite des événements du 6 février 1934, la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et aux milices privées confère au gouvernement la possibilité de recourir à cette « mesure extrême lorsque pèse un danger sur la République », note Stéphanie Hennette-Vauchez.

Or, poursuit-elle, la loi Séparatisme du 24 août 2021, votée par les parlementaires, est venue « considérablement élargir le champ des associations qui peuvent se retrouver sous le coup d’une dissolution ». Avant 2021, seules étaient visées celles qui appelaient à « des manifestations armées dans la rue ». Désormais, il suffit qu’elles « provoquent des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens » pour courir le risque d’être dissoutes.

Comme en 36

La suspension de la dissolution des Soulèvements de la Terre par le Conseil d’Etat a beau n’être que temporaire, elle revêt tout de même un caractère historique aux yeux de certains spécialistes du droit. « Pour la première fois, le juge administratif suprême évoque l’idée de désobéissance civile, et ce pour nuancer la gravité des atteintes aux biens », explique le juriste Nicolas Hervieu.

« Au fond, conclut Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes, le Conseil d’Etat a voulu marquer un coup d’arrêt à l’emballement de Darmanin, qui se comporte un peu trop comme le Destop de la liberté associative. Il lui a rappelé que toute transgression de la loi par une association ne devait pas rimer avec sa dissolution. La proportionnalité des sanctions, ça existe. »

Si on n’a même plus le droit de frapper un grand coup quand on est le patron des flics…


Clara Bamberger. Le Canard Enchainé. 16/08/2023


2 réflexions sur “Darmanin et les dissolutions…

  1. Pat 17/08/2023 / 19h15

    M. Chirac aussi avait été Ministre de l’intérieur…On ne peut pas leur reprocher de connaître la France et au moins on sait pour qui on vote (ou pas) le jour J. D’autres n’auront pas ce privilège et devront mener des campagnes efficaces.
    Je suis content Michel, j’ai retrouvé mon bouton « j’aime ». Alors permets-moi d’en abuser…un peu.

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