Gênant…

Un rapport fait dérailler les projets ferroviaires de Macron

Le « en même temps » du chemin de fer ? Alors que le « contrat de performance » signé en mai 2022 entre l’État et la SNCF commence à peine à être mis en application, il est torpillé par l’Autorité de régulation des transports (ART). Cet organisme public indépendant estime dans un rapport publié le 12 juillet que, faute d’un budget suffisant, il va conduire tout droit à « une stagnation des trafics durant les deux prochaines décennies » et à « une forte dégradation » du réseau !

Interrogé par « Le Canard » sur cette cacophonie, le ministère des Transports reconnaît qu’il est « nécessaire d’intensifier encore les moyens consacrés à la régénération du réseau ». Ce qu’un ministre des Transports a fait, son successeur peut, quelques mois après, le bouleverser.

Le 6 avril 2022, quatre jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, l’alors ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, et Luc Lallemand, le président de SNCF Réseau (gestionnaire des infra structures), signent en catimini un contrat de performance cadrant l’activité de la société ferroviaire jusqu’en 2030. Celui-ci prévoit quelque 136 milliards d’euros d’investissements pour la modernisation du réseau.

Gouvernement pas très en train

Une fortune pourtant très insuffisante, estime l’ART dans son rapport consacré aux « scénarios de long terme pour le réseau ferroviaire français ». Et de s’alarmer des « signes de vieillissement préoccupants » du réseau, dont 16 % « est proche de la fin de sa durée de vie nominale ou l’a dépassée ». Au rythme du contrat de performance, prévoit l’ART, en 2042, les dépenses d’entretien bondiraient ainsi de 20 %, pour un trafic égal à son niveau d’aujourd’hui. De quoi faire rêver les vacanciers, qui trouvent déjà leurs billets hors de prix

Face à cette catastrophe annoncée, l’ART préconise un autre scénario, de « planification écologique ». Au menu = une hausse de moitié des investissements par rapport à ce que prévoit l’actuel contrat de performance. Ce qui permettrait d’augmenter le trafic de plus d’un tiers, tout en faisant baisser dans la même proportion le coût d’exploitation par kilomètre, alors que la marge bénéficiaire de la SNCF, elle, doublerait. Alice au pays des locomotives !

A un détail infime près… Ce scénario miracle exige un budget saoudien = 204 milliards, soit 70 de plus que celui décidé il y a un an. Et la SNCF ne pourra pas en financer plus de la moitié sur ses fonds propres. Or l’ART sous-entend que Bercy n’est pas prêt à casquer et que le ministère souhaite seulement pour la SNCF « un retour à l’équilibre financier de court terme sans engager une réflexion sur les trajectoires industrielles nécessaires  pour disposer d’un réseau ferré performant ». Pour Bercy, « investir dans le ferroviaire, c’est arroser sans fin le désert », soupire Gilles Dansait, le patron du site professionnel Mobilettre.

Elisabeth Borne, qui n’oublie pas que la mise en place de la planification écologique fait partie de ses missions, a annoncé le 24 février « une nouvelle donne ferroviaire » avec à la clé un rabiot de 6 milliards d’ici à 2030 pour se rapprocher — a minima — du scénario préconisé par l’ART. « Des discussions sont actuellement en cours avec l’Union européenne et des collectivités locales », assure le ministère des Transports.

Garde-barrière dÉlysée

À l’ART, on garde son calme par rapport à cette nouvelle donne. « Pour le moment, commente un fin connaisseur du dossier, nous n’avons que des annonces et pas de financement. Attendons de voir si le contrat de performance sera effectivement mis à jour dans le sens annoncé par Matignon. »

À Bercy, on se refuse à commenter les largesses annoncées par Borne. Quant à Macron, il n’a pas l’air pressé d’arbitrer ce match entre sa Première ministre et son ministre des Finances.

Il regarde passer les trains ?


Hervé Martin. Le Canard enchaîné. 02/08/2023


Une réflexion sur “Gênant…

  1. bernarddominik 09/08/2023 / 10h44

    C’est étrange comment nos entreprises publiques SNCF EdF ignorent la notion d’amortissement, lorsqu’un équipement est mis en service l’entreprise prévoit déjà son remplacement en épargnant la somme nécessaire répartie sur sa durée de vie, ça s’appelle l’amortissement ça fait partie des cours d’économie et de comptabilité des BTS et DUT du tertiaire. Alors qu’on ne me dise pas que l’ENA l’a oublié dans son enseignement.

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