Aurélien Rousseau

Ministre de la Santé

Il est drôle, très drôle même, on en oublie donc un peu ses revirements successifs.

Parti le 17 juillet du cabinet d’Elisabeth Borne, qu’il qualifiait lui-même sur son compte Twitter de « terminus des emmerdes », Aurélien Rousseau n’a pas résisté deux jours aux appels de la Présidence. Il voulait souffler, décompresser, passer un peu de temps à Cambridge, puis atterrir à la Caisse des dépôts, où l’attendait un poste créé sur mesure.

Une vie moins exposée, conforme à ce qu’il disait rechercher. La performance, les arbitrages, les nuits sans sommeil, ça va bien cinq minutes ; moi, j’ai une vie à mener, des envies d’écriture, des lectures qui m’attendent. Un discours qu’il a déjà tenu plusieurs fois. En 2021, après la crise du Covid, sur les genoux, il quitte l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, qu’il pilotait. Dépression, burn-out. Il a besoin d’air, plus jamais ça. Mais, quand Macron pour diriger le cabinet d’Elisabeth Borne, il y va.

Et, maintenant, rebelote, le voilà qui replonge dans les « emmerdes », prêt à affronter une polémique à deux balles, pour l’instant éteinte, sur un hypothétique conflit d’intérêts entre les fonctions de sa femme, Marguerite Cazeneuve, numéro deux de l’Assurance maladie, et celles du ministre de la Santé qu’il est devenu.

Peut-il refuser quoi que ce soit au Président ? Sa femme est passée par son cabinet à l’Elysée ; son beau-frère, Pierre Cazeneuve, député Renaissance des Hauts-de-Seine, aussi ; et son beau-père, le très macroniste Jean-René Cazeneuve, rapporteur général du budget, a ses entrées à l’Élysée. « Pour Rousseau, les Cazeneuve, c’est un peu la famille en or », rigole un copain de promo de l’ENA, moins bien loti.

ENA, et moi, et moi

L’ENA, justement, Aurélien Rousseau n’y serait peut-être pas entré s’il n’avait pas croisé la route de Nicolas Revel, un autre proche du Président. Rousseau est alors prof d’histoire-géo à Bondy (93). Il est communiste, rencontre un certain Pierre Mansat, alors adjoint de Bertrand Delanoê à la Mairie de Paris, aujourd’hui oublié. Mansat, communiste lui aussi, le recrute dans son équipe.

À la Mairie de Paris, Revel devient son grand frère et l’encourage à passer l’ENA. Les deux hommes ne se quitteront plus. La Mairie de Paris époque Delanoê, c’est le meilleur bureau de placement des jeunes ambitieux de gauche. Sous Hollande, Rousseau, qui s’est éloigné du communisme, travaille dans les cabinets ministériels de Valls puis de Cazeneuve (un autre Bernard). Un jour, interrogé par la presse sur son passage du PC au cabinet Valls, il élude avec grâce « J’ai dit à Manuel ma position. » Aurélien Rousseau, c’est d’abord un as de la com’.

La cohabitation avec la Première ministre a été moins simple qu’il ne veut le faire croire. « Rousseau s’est donné le beau rôle dans cette affaire. Son humour, sa rondeur naturelle, son lien direct avec l’Élysée l’ont protégé des critiques et, dans les crises qu’a connues l’équipe à Matignon, on a un peu rapidement incriminé la dureté de Borne, alors que Rousseau, qui occupait le poste clé de directeur de cabinet, avait aussi ses faiblesses », assure un proche de Borne.

Rousseau avait-il les épaules pour le poste ? « Il réseaute beaucoup et passe trop de temps avec la presse, alors que cette mission, inhumaine par sa lourdeur, impose depuis toujours une grande rigueur », affirme un ancien du cabinet. C’est le meilleur pour la blagounette, l’autodérision, la direction du bureau des pleurs. Ah, oui, tu sais, Elisabeth est un peu nerveuse ces temps-ci, il faut toujours qu’elle trouve des responsables, ce n’est rien, ça passera.

Blagounette et sans bavure

Aura-t-il les coudées franches à la Santé ? En Macronie, on se grille vite. Il est le cinquième titulaire du poste en six ans. Le philippiste Frédéric Valletoux était pressenti pour ce ministère, mais il aura suffi d’une intervention de Bayrou, mécontent de voir un proche d’Edouard Philippe hériter du poste, pour qu’Aurélien Rousseau soit nommé. À quoi tient la gloire…

Sans poids politique propre, Rousseau va devoir gérer le dossier des déserts médicaux, ceux de l’hôpital, de la santé mentale, de la convention médicale à signer avec les médecins. « Contrairement à ce qui est dit partout, Rousseau n’est pas un grand connaisseur de la santé. L’ARS d’Ile-de-France pendant la Covid, c’est d’abord un bilan calamiteux, dans une atmosphère, il est vrai, de chaos total. Mais Rousseau n’est pas très armé pour le job », assène un ancien de l’ARS.

Est-ce si gênant ? Car Aurélien Rousseau écrit. Il a consacré un ouvrage à un grave problème de santé qui l’a affecté à l’orée de la trentaine, et un autre à sa dépression nerveuse post-Covid. Il aime beaucoup exposer ses fragilités. Interrogé sur ce narcissisme revendiqué, il a répondu, toujours très relax = « J’assume le  » je « . » En Macronie, c’est là un atout de taille.


Anne-Sophie Mercier. Dessin de Kiro – Le Canard enchaîné. 02/08/2023


2 réflexions sur “Aurélien Rousseau

  1. bernarddominik 09/08/2023 / 14h30

    Passer du communisme à la macronie sacré écart, on verra s’il lui reste un petit reste de communisme. Mais ça m’étonnerait

  2. Anne-Marie 09/08/2023 / 19h21

    Le grand écart, les politiciens connaissent et pratiquent avec souplesse.

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