Les lobbies dirigent l’État français…

… entre autres…

Alliance, FNSEA, Total, Uber…

Organes syndicaux ou grandes firmes privées, ils ont gagné une influence démesurée au sein des gouvernements successifs, remportant la plupart des arbitrages. Au point d’être suspectés de cogérer la politique nationale avec les ministres.

  • Le couple Alliance-Unsa police, bloc syndical majoritaire parmi les policiers, a démontré, dans l’affaire des policiers de Marseille, à quel point il pouvait imposer son agenda au ministère de l’Intérieur.

Mais ils ne sont pas les seuls :

  • la FNSEA sur les dossiers agricoles,
  • le Medef sur les réformes économiques,
  • Uber sur le droit du travail…

Plusieurs groupes d’intérêt, syndicaux ou privés, occupent un poids démesuré dans les tractations et les décisions élaborées au sein des ministères, jouant du rapport de force et profitant, souvent, de convergences de vues politiques avec les membres de l’exécutif.

L’affaire n’est pas neuve. Mais elle a pris un coup d’accélérateur avec les macronistes.

Les lobbyistes ne sont plus seulement reçus régulièrement dans les bureaux ministériels. Certains y travaillent. […]

À l’Agriculture, le travail intensif de la FNSEA

Ils ont menacé une députée insoumise en 2023. Déversé du fumier sur un local associatif quelques mois plus tôt. Incendié un centre des impôts, à Morlaix, en 2014. Saccagé le bureau de la ministre de l’Environnement en 1999.

Les coupables ? Nuls « écoterroristes », mais bel et bien des paysans membres de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), le puissant syndicat majoritaire de la profession, fort de 212 000 adhérents. « N’importe quelle organisation qui aurait fait la moitié du quart de ce que la FNSEA a pu faire aurait été dissoute depuis belle lurette », résume, amère, Léna Lazare, figure des Soulèvements de la Terre, le collectif écologiste dissous.

[…]

La FNSEA est à son aise auprès du ministre Marc Fesneau, avec lequel elle est alignée politiquement. […]

Tenante d’un modèle de production intensif, entre autres, pointée du doigt pour l’omerta qu’elle a entretenu autour de la catastrophe des algues vertes en Bretagne, la FNSEA plaide pour un moindre encadrement des pesticides. Alors Marc Fesneau veut lui faire plaisir. Invité au congrès du syndicat en avril, l’ex-député Modem a promis de revenir sur l’interdiction d’un herbicide, le S-métolachlore, identifié comme cancérigène par les autorités européennes. 

Sainte Alliance entre la police et le ministère de l’Intérieur

[…] Le poids du syndicat majoritaire de la police s’exerce en premier lieu à l’intérieur de l’institution. 70 % des 150 000 policiers français sont syndiqués, un taux record qui s’explique par une gestion paritaire permettant aux syndicats les plus représentatifs (notamment Alliance, le premier d’entre eux) de prendre part aux décisions concernant les avancements, promotions et mutations des policiers.

Et ils auraient souvent le dernier mot. Avec des hommes à sa main à des postes clés, le très à droite syndicat Alliance a gagné un poids croissant au fil des années et impose ses desiderata avec force et efficacité Place Beauvau. […]

[…] … en réaction au placement en détention provisoire de leur collègue de la BAC de Marseille qui a tiré au Flash-Ball sur Hedi, laissé pour mort dans la rue dans la nuit du 1er au 2 juillet, le syndicat a encouragé ses troupes à se mettre en arrêt maladie et revendique un « statut spécifique des policiers mis en cause ou en examen ».

Une demande qu’Alliance pourrait voir satisfaite malgré les protestations de magistrats qui rappellent que « réclamer une justice d’exception au bénéfice des policiers est contraire au principe d’égalité devant la loi ». Le garde des Sceaux vient d’acter le principe d’une rencontre, en septembre, avec Gérald Darmanin et les syndicats de policiers pour évoquer leurs desiderata législatifs.

Droit du travail : Uber, un chauffard apprécié du pouvoir

Emmanuel Macron ne s’en cache pas : il adore le « modèle » Uber, quel qu’en soit le coût pour la société. Dès décembre 2016, le futur chef de l’État déclarait sa flamme au géant californien dans Médiapart : « Allez à Stains (Seine-Saint-Denis) expliquer aux jeunes qui font chauffeur Uber qu’il vaut mieux tenir les murs ou dealer. (…) En effet, ils travaillent 60 ou 70 heures pour toucher le Smic. Mais ils entrent dans la dignité, ils mettent un costume, une cravate. » L’émancipation par le costard…

L’approbation macroniste va au-delà des discours, comme le montre un rapport parlementaire sur la manière dont Emmanuel Macron a déroulé le tapis rouge à la multinationale dès son passage à Bercy.

Le 1er octobre 2014, le fondateur d’Uber, Travis Kalanick, ressort de son premier entretien avec celui qui est alors ministre de l’Économie. Le message euphorique qu’il adresse à ses collaborateurs donne une idée de la teneur des discussions : « En un mot : spectaculaire. Du jamais-vu. On quitte Bercy et on file à l’aéroport. Beaucoup de boulot à venir mais on va danser bientôt. »

[…]

Le Medef, source de réseaux au sommet de l’État

[…]

Le sociologue Michel Offerlé, spécialiste du patronat, rappelle que le Medef est « une marque, un label, un symbole » qui fait peur au pouvoir . Impossible de trop brusquer une caste qui a un carnet d’adresses long comme le bras dans toutes les sphères de l’État.

Selon lui, les patrons n’ont même plus besoin de s’impliquer directement en politique. « Ils ont d’autres moyens d’influer, insiste-t-il. Ils sont à la tête de grands think tanks, ils se retrouvent dans des clubs, des lieux d’influence… »

Total ne mégote pas sur les dépenses

« Agaçant. » Il y a un an, dans un discours sur Public Sénat, la sénatrice centriste (PRV) Sylvie Vermeillet dénonçait le « gros lobbying » de TotalEnergies au moment des débats parlementaires sur la taxation des superprofits, une proposition finalement rejetée par le gouvernement et la majorité sénatoriale. Dernier symbole de l’entre-soi industrialo-politique qui lie l’héritier d’Elf et les pouvoirs politiques en France… Et en Europe.

[…]

Pour Total, l’enjeu est double. Faire oublier son passé climato-négationniste. En 2021, une étude publiée dans Global Environmental Change montrait que le groupe, averti dès 1971 des risques catastrophiques que faisait courir son activité au climat, avait pendant cinquante ans mis en doute les données scientifiques qui menaçaient ses activités. La même année, pour verdir son image, la multinationale avait notamment quitté l’American Petroleum Institute, le plus puissant lobby américain de l’industrie pétrolière.

L’autre objectif de son lobbying : poursuivre son activité climaticide. Comme le révélait fin 2021 une enquête de Disclose, Total, Engie et EDF ont « noyauté » le principal lobby des énergies renouvelables en France, le Syndicat des énergies renouvelables (SER).

[…]


Article proposé par : Cyprien Caddeo, Eugénie Barbezat, Cyprien Boganda, Alexandre Bouyé, Marceau Taburet. Source (extraits)


2 réflexions sur “Les lobbies dirigent l’État français…

  1. bernarddominik 05/08/2023 / 10h03

    Ça montre un Sarkozy un Hollande un Macron tels qu’ils sont: des minables ou des vendus, sûrement les deux.

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