Éducation : démolition nationale…

…. méconnaissance coupable…

« Le travail des directeurs [d’école] est épuisant, car il y a toujours des petits soucis à régler, ce qui occupe tout notre temps de travail et bien au-delà du temps rémunéré, et à la fin de la journée, on ne sait plus trop ce que l’on a fait. […] Les directeurs sont seuls ! […] Ils, sont particulièrement exposés et on leur en demande de plus en plus sans jamais les protéger (1). »

Voilà ce qu’écrivait le samedi 21 septembre 2019 Christine Renon, directrice de l’école maternelle Méhul, à Pantin (Seine-Saint-Denis), dans un courrier adressé à l’inspecteur ainsi qu’à l’ensemble des directrices et directeurs d’école de sa ville. Puis elle se jetait de plusieurs mètres de haut dans le hall de son établissement.

Son corps était retrouvé le lundi matin suivant. Pour elle, le fait de trop, aura été celui de l’accusation d’une violence sexuelle commise par un enfant de 3 ans contre un autre du même âge. Désemparée, elle écrivait ne « pas avoir confiance » dans son institution pour la protéger, elle qui savait qu’elle allait nécessairement être mise en cause.

Plusieurs enquêtes ont confirmé son diagnostic de la situation (2). À commencer par la solitude des enseignantes et enseignants, au minimum abandonnés par leur hiérarchie, voire accusés par celle-ci de ne pas être capables de résoudre eux-mêmes les problèmes, quand elle ne leur reproche pas de les avoir créés – une pensée pour Samuel Paty ici.

Ensuite, la multiplication des tâches non éducatives, souvent demandées dans « l’urgence », avec le développement exponentiel des missions de consignation de statistiques, d’évaluations, de remplissage de formulaires rédigés par les personnes les plus perverses du pays, dans des logiciels qui rament, plantent ou sont inaccessibles en raison de la mauvaise qualité du réseau, le tout effectué sur les ordinateurs antédiluviens de l’« Éduc ». Faites-le une fois dans votre vie et vous verrez les envies de meurtre qui vous saisiront.

Christine Renon le dit très bien, rappelant que les enseignants sont les « seuls » travailleurs de ce pays « à qui leur employeur ne leur fournit pas leur outil de travail ». Comme elle le précise, « même avec leurs outils personnels, ils ont du mal à travailler, franchement deux heures de pause méridienne et pas d’ordinateur pour 11 classes, la clé USB pour le service informatique de la ville de Pantin est un danger digne de déclencher une guerre ! ». C’est drôle, hein, tellement drôle, ces profs sans ordis.

Et enfin un temps de travail supérieur à celui des cadres qui les engueulent de ne pas bien s’occuper de leurs enfants, eux qui se sont rendu compte durant le confinement qu’ils n’étaient pas foutus d’expliquer à leurs gosses leurs problèmes de maths du collège.

Résultat : aujourd’hui, dans de nombreux concours, il y a moins de candidates et de candidats admissibles que d’emplois à pourvoir.

Dans un mois, il y aura donc, comme tous les ans désormais, des milliers d’enfants assis face à une estrade vide. Et des dizaines de milliers d’autres face à un enseignant recruté en dépit de son niveau académique insuffisant, et qui n’aura pas été formé. Vous pensez que cette personne va apprendre à apprendre à votre enfant, lui donner confiance en lui ? Christine Renon écrivait le 21 septembre. La rentrée tout juste passée, elle était épuisée. Quand on est épuisé, on s’impatiente, on n’écoute plus, on crie – sur des enfants, en l’occurrence. Et, parfois, on commet l’irréparable. Et si Christine était morte pour rien ?


Gilles Raveaud. Charlie hebdo. 02/08/2023


  1. La lettre de Christine Renon, directrice d’école maternelle à Pantin, avant son suicide (tilekol.org/la-lettre-de-christine-renon).
  2. « Le baromètre du bien-être des personnels de l’Éducation nationale », disponible sur le site du ministère amer (le titre correct serait bien sûr « Le baromètre du mal-être »).

L’éducation nationale fait la société des femmes et hommes de demain ne l’oublions jamais. Il faut s’inquiéter de l’inculture (allant même jusqu’à l’illettrisme) pour certaines/certains…


Une réflexion sur “Éducation : démolition nationale…

  1. bernarddominik 04/08/2023 / 14h54

    Une très triste histoire. Mais, pour moi, me grand problème est la démission des parents qui attendent tout de l’école, pourtant elle ne peut pas, et elle ne doit pas, se sibstuer aux parents pour l’éducation. En début d’année la réunion parents-enseignants doit être obligatoire, et c’est là qu’il faut préciser aux parents le rôle de chacun, et la loi doit sanctionner les parents négligent.

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