C’est sans doute dans ce domaine que notre stupéfaction collective est la plus grande.
Dans la presse locale, on lit que tel service d’urgence d’un hôpital est désormais fermé le week-end. Ou que les postiers vont dorénavant s’assurer que les personnes âgées prennent bien leur traitement, avant sans doute de leur faire la toilette…
C’est au sujet des services publics que les propositions d’Emmanuel Macron, en 2017, étaient les plus intéressantes. Le « manager du siècle » allait dépoussiérer nos vieilles administrations. La « réforme de l’État » était pour maintenant, alléluia !
Résultat : Manu n’a même pas essayé.
Certes, il a « supprimé » l’École nationale d’administration (ENA), en réalité transformée en Institut national du service public (INSP), son nouveau nom, avec des changements cosmétiques, et une scolarité de deux ans seulement. Or il faudrait une formation complète, de trois ans, avec deux éléments.
D’abord des stages de terrain variés, de longue durée, y compris à l’étranger. Ensuite une exposition aux meilleurs travaux récents en management, sociologie, économie, écologie, psychologie, climat, etc., en rencontrant les meilleurs spécialistes français et étrangers.
On le sait, Manu est tombé dans le piège le plus grossier de notre époque, celui de la technologie, se faisant le champion de la « dématérialisation », terme le plus faux du dictionnaire, puisque, ici-bas, tout est matériel, y compris nos pensées. Et que, nous le vivons tous, la dématérialisation en question nous oblige à recourir à une quantité invraisemblable de lourds appareils, box, smartphones, scanners et donc serveurs, câbles sous-marins et, tout au bout du WiFi, éoliennes et centrales électriques.
Le papier est plus polluant, vous êtes sûrs ?
Enfin, Manu est aussi tombé dans le piège de la gestion comptable des dépenses publiques. Souvenez-vous : ce grand progressiste voulait, en 2017, supprimer 120 000 postes de fonctionnaires. Pourquoi 120 000, et pas 200 000 ? Aucune idée. Dans quels ministères ? Aucune idée. Pourquoi diminuer le nombre de fonctionnaires dans une population qui augmente et qui vieillit ? On ne sait pas.
D’autant plus que le constat était très juste, à l’époque, et il s’est malheureusement aggravé depuis-celui des nombreuses personnes, « en particulier dans les banlieues populaires, […] privées d’un accès suffisant aux transports ». Ou encore des habitantes et des habitants de « zones rurales ou périurbaines » qui « souffrent d’un accès insuffisant aux communications à haut débit ». Ou, enfin et surtout, du fait que « les services publics ne satisfont pas à la promesse d’égalité républicaine : les chances d’accès à l’université d’un enfant d’ouvrier ou d’employé sont deux fois plus faibles dans la Creuse qu’en Savoie (1). ».
Et on sourit tristement quand on lit la critique de la « complexité des démarches » qui « conduit de nombreux citoyens à renoncer à leurs droits ». », lorsque faire renouveler sa carte d’identité ou son passeport en moins de trois ans et sans parcourir 1 000 km relève de l’exploit. Alors, pour rendre les services publics efficaces et accessibles, que faut-il faire ?
Bien sûr beaucoup mieux payer les agents publics, l’écart avec le privé étant devenu bien trop grand depuis longtemps. Mais aussi cesser le contrôle a priori de la moindre dépense, et faire enfin confiance aux agents de l’État pour utiliser à bon escient les fonds publics.
Leur permettre de faire leur travail, dans des locaux agréables, en bazardant la bureaucratie. Bref, bien s’occuper de ces êtres humains que sont les agents publics.
Mais voilà, Manu les hait. Gilles Raveaud. Charlie Hebdo. 19/07/2023.
Pourquoi diminuer le nombre de fonctionnaires dans une société qui vieillit ? Les entreprises manquent de main d’œuvre, que vaut-il mieux ? Des fonctionnaires dont pour certains, on se demande ce qu’ils font, ou des employés qui, par la production de leur entreprise produisent et participent aux cotisations sociales, payent des impôts ? Les fonctionnaires sont une dépense, les salariés du privé un gain. Le calcul de Macron est peut-être simpliste, mais juste.
C’est un avis qui bien évidemment regarde son auteur.
Michel